31 décembre 2007

"La fête annuelle à l'ami Sylvestre"



Cher Philippe,

En plongeant mes blanches mains dans mes trésors jalousement gardés, j'ai exhumé une pépite sonore qui prouve que le 31 décembre 2004, je t'aimais déjà : à l'aide d'un dictaphone, j'avais enregistré ce jour-là ta douce voix, qui contribuait à enchanter le grand Charivari de celui qui n'était pas encore le Parrain mais qui faisait déjà nos délices.
Alors, pour fêter le passage à l'année que tu sais, et pour laquelle je forme les vœux les plus tendres, je te laisse la parole :



Bonne année, mon amoureux, mais surtout, bonne année à tous ceux qui brûlent de savoir si mon vœu le plus cher se réalisera en 2008, et qui me font le plaisir de me suivre ici sur le chemin tortueux de mon amoureux destin.


Valentine

30 décembre 2007

Panique au Mangin Palace, le best of





Cher Philippe,

Pendant que tu te la coules douce en vacances, je découvre de nouveaux jouets.
Permets-moi de m'amuser un peu, promis, passées la saint Sylvestre et la trêve des confiseurs, je me remettrai à écrire.

À toi pour toujours,


Valentine

22 décembre 2007

Second Life, II

Cher Philippe,


Demain, la France entière découvrira, émerveillée, les surprises que tu nous as préparées pour Noël, et se réjouira de célébrer avec toi la centième de cette émission totale foutraque qui nous divertit si bien des misérables frasques élydisneyiennes qui nous plombent par ailleurs. Grâce t'en soit rendue, et puisses-tu continuer longtemps à charmer nos oreilles et nos cœurs.

Comme tu n'avais pas pu résister à la tentation de nous vendre la mèche du programme de demain, allant jusqu'à le claironner ça et là, sauf ici, j'avais un temps pensé à me glisser dans tes pas et à me livrer de nouveau à ce que j'avais tant aimé faire avant la soixante-neuvième émission, imaginer ici ce que j'aimerais entendre dans la Panique au Mangin Palace de dimanche.

A priori, nous serions ce matin le dimanche 23 décembre 2007, 11h06, bonjour à toi l'ami. Cette semaine, dans
Panique au Mangin Palace, tu es ORTF, tu es la différence, tu es studio Charles Trenet, tu es c'était mieux avant, oui, tu l'auras compris, l'ami, ce matin, tu es France Inter"

Et puis, soudain, malgré la joie que je n'aurais pas manqué de trouver à imaginer la suite, une autre envie, bien plus profonde, m'a envahie : retrouver l'inflexion des voix chères qui se sont tues. Tu sais déjà à quoi ressemblerait ma vie rêvée, laisse-moi te dévoiler les ondes auxquelles je rêve.

Vers 7 heures 30, la merveilleuse voix de Frédéric Pommier me tirerait doucement du sommeil, et ferait naître le premier sourire de ma journée. Tandis que j'étirerais mes membres endormis tout en profitant quelques instants encore de la chaleur de mon lit, Frédéric proposerait à Clotilde Dumetz de me raconter un peu ce que disent les journaux, afin de me permettre de reprendre pied dans la réalité, puis il demanderait à Bernard Maris de m'expliquer comment les économistes s'y prennent pour mesurer mon bonheur ou de me rappeler pourquoi la fonction publique est essentielle à la démocratie.
Rassurée sur l'avenir du monde comme il va, je me lèverais et profiterais de l'excellent disque programmé par Eric Hauswald pour chanter sous ma douche. Ensuite, comme je savourerais un thé fumant, à 7h55, Martin Winckler arriverait sur l'antenne pour partager avec moi, à travers une chronique brillante, un savoir qui pourrait soulager ou libérer les autres. Le carillon de 8h00 retentirait, et Patrick Roger me saluerait de son "bonjour" si réjouissant, comme pour s'excuser des nouvelles qu'il serait sur le point de m'annoncer, selon une hiérarchie qui ne souffrirait aucune entorse pipolistique ou noëlesque.
À 8h20, Nicolas Demorand aurait le droit de venir interviewer un invité politique, à condition de le remettre à sa place comme il a su le faire lorsque le dit invité se mettrait à dire n'importe quoi. L'interview durerait jusqu'à 8h40, heure à laquelle Vincent Josse viendrait nous mettre l'eau à la bouche pour la journée.
Vers 8h57, Alain Rey me rendrait un peu moins bête pour la journée, et à 9h00, Patrick Roger ferait un dernier tour de piste, avant de tendre le micro à Claude Villers, le marchand d'histoires qui saurait si bien me faire rêver.
À 10h00, Pierre Bouteiller débarquerait sur l'antenne, bonhomme, et le charme de sa voix agirait sur mes oreilles jusqu'à 11h00, m'entraînant sur les sentiers décalés de la culture, me soufflant des idées de lecture que je n'aurais pas eues sans lui.
À 11h00, le Tribunal des flagrants délires reprendrait du service, sous la houlette des sous-réalistes.
Le métallophone de Louis Bozon viendrait annoncer le Jeu des mille francs, puis le journal de la mi-journée serait présenté par n'importe qui, pourvu que ce ne soit pas Fabrice Drouelle.
Les 2000 ans d'histoire et le savoir éclairé de Philippe Gélinet m'accompagneraient alors jusqu'à l'heure de la sieste, agréablement pimentée par les notes savoureuses de Frédéric Lodéon, en alternance avec les chansons choisies de Laurent Lavige.
Je me réveillerais en pleine forme vers 15h00, et reprendrais du service militant grâce à Mermet et son émission modeste et géniale. Je serais alors parfaitement prête pour LE rendez-vous de la journée, La Bande à Bonnaud, qui me tiendrait en alerte jusqu'à 18h00.
Après le journal, Jean-Luc Hees tisserait ses indispensables Synergies , jusqu'au journal de 19h30, présenté par n'importe quel journaliste sachant faire son métier. Après la météo marine, Kathleen Evin me charmerait de sa voix douce et sonore, et m'emporterait à son tour sur des chemins buissonniers que je n'aurais pas songé à arpenter sans elle.
De 21h30 à 22h30, Lenoir viendrait mettre le feu à mes oreilles, et après, j'aurais chaque soir la surprise de découvrir l'émission mystère : une spéciale de La Tête au carré ou d'Eclectik, une rediffusion de la Panique au Mangin Palace ou de Jee-Bee et les cybernanas, un reportage d'Interception, un épisode du Perroquet des Batignolles ou une Course au bout de la rue avec Arnaud Monnier.... Une pépite sonore, comme tu dirais.
Je finirais par aller me coucher, ravie, et si jamais je ne parvenais pas à trouver le sommeil, évidemment, je m'en remettrais à la voix rauque de Macha Béranger pour m'accompagner dans la nuit.

Tu vois, cher Philippe, il ne faudrait pas grand chose...

À toi pour toujours,


Valentine


17 décembre 2007

Transport amoureux


Cher Philippe,

Au temps où Libé n’avait pas encore plongé dans une dérive giordano-schneckienne, il m’arrivait souvent d’en dévorer les pages, avec une attention toute particulière pour les petites annonces, où j’espérais toujours, midinette que je suis, trouver un message de l’inconnu sexy croisé un peu plus tôt dans le métro.
Cela m’arrive de moins en moins souvent, non pas d’échanger des regards troublants avec des inconnus sexy dans le métro, mais de lire ce journal – c’est un peu comme pour France Inter : je me promets de ne plus céder à l’appel de la nostalgie mais je finis toujours par y revenir, et je suis chaque fois déçue de ne plus y trouver ce qui en faisait le sel. Pourtant, j’y reviens. Et, parfois, la persévérance a du bon. Car figure-toi que ce week-end, j’ai acheté Libé dans un moment de désœuvrement, puis l’ai oublié au fond de mon sac après avoir parcouru les grands titres. J’aurais pu en rester là, et j’étais ce matin sur le point de le jeter à la corbeille quand, prise d’un étrange remords, je décidai de le feuilleter négligemment. Et voici ce que je découvris au milieu d’autres petites annonces :

Pour ma Valentine chérie,
bon anniversaire et
poursuis
ton beau chemin,
frambuesa des neiges.

Tu imagines sans peine l’accélération des battements de mon cœur au moment où je déchiffrais ce message.

Certes, tu n’ignores pas que je ne suis pas née de la dernière pluie, et encore moins le 15 décembre, mais qu’importe ! J’entends que tu me chéris, et m’encourages à poursuivre ma quête.
Certes, il aurait été plus simple que Jean-Claude et Monique se fassent tes messagers ici-même, mais cela aurait été moins poétique. On le sait bien, que le plaisir est dans la quête. N’est-ce pas Monsieur Kaplan ?
Enfin, cette framboise des neiges me fera rêver encore longtemps. Au moins autant que les autres annonces du jour, qui, à la lueur de ta déclaration, prirent tout à coup la couleur des énigmes les plus charmantes à mes yeux amoureux. Vois plutôt :

Ma jumelle, RDV 21 rue Biot.
Donne ton nom. Tu pourras lire
l’épilogue ce soir. Ton jumeau.

Hélas ! Je n’étais pas au rendez-vous. Hélas ! Je n’ai pas reçu le bouquet que tu avais fait composer pour moi chez le fleuriste du 21 de la rue Biot – décidément, je passe mon temps ces temps-ci à passer à côté des bouquets ! Mais s’il ne te manque que mon nom pour que nous écrivions ensemble le plus glorieux dénouement, je viendrai te l’apporter moi-même.

Un long silence le 27/11, 20h ??
le doute me rend silencieuse… !
Au vert du 21 au 29/12.
Je pense à toi. Redeviens
vite visible.
Je t’aime. XXXB.

Ainsi, mon silence qui n’en était pas un, et qui dura jusqu’au 2 décembre, t’alarma toi aussi ? Que ne le disais-tu ? Je serais redevenue visible bien plus tôt. Rassure-toi, moi aussi je t’aime, moi aussi je pense à toi. Et si je serai bien au vert du 21 au 29, ce sera pour mieux écouter ta messe du midi le 23.

Toi belle sorcière, moi naïf,
À la fac, puis à la manif.

Si tu en as envie,

Retrouve-moi à la mairie !


Il n’est pas si naïf celui qui sait si bien m’entraîner dans son jeu…
La mairie, Philippe, la mairie… En es-tu bien sûr à présent ? Tu sais que je ne pense qu’à ça, mais je ne voudrais pas que tu te sentes captif de mes sortilèges.

Message subliminal ? Le 3
Voir le ma-lotru (vers l’an)

Et si « Mme BOV C moi ». GF.


Subliminal : j’avais raison de vouloir lire entre les lignes de ces petites annonces ! Et puis, si je suis la mal-aimée, tu es le malotru – rappelle-toi ceux qui te menacèrent naguère de lancer un blog philippecollinestungougeat Quant à Madame Bovary, elle me ressemble autant qu’à toi…

Palmyre je t’ai choisie et aimée
avec tout ce que tu es.
Je te choisirai encore à l’aurore…
Réma

Cette énigme me plaît plus que toutes les autres : Palmyre la syrienne, placée sous le signe de Zénobie, la plus belle, la plus fine et la plus éclatante des reines. Vois ce qu’en dirent les plus grands historiens :

Zénobie se disait descendue des anciens rois macédoniens qui régnèrent en Égypte : sa beauté égalait celle de Cléopâtre, et elle surpassait de bien loin cette princesse en valeur et en chasteté. (...) Zénobie était encore la plus belle des femmes. Elle avait le teint brun, les dents d’une blancheur éclatante, une voix forte et harmonieuse, et de grands yeux noirs, dont une douceur attrayante tempérait la vivacité. L’étude avait éclairé son esprit, et en avait augmenté l’énergie naturelle. (E. Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain, 1776-1788)

Que tu me compares à elle me charme.
Que tu veuilles me choisir encore à l’aurore, quand les mille et un contes que je t’offre chaque nuit auront fini de captiver ton cœur, m’enchante.
Que tu te dissimules derrière le masque de Rémi et d’Elsa, réunis pour l’occasion, me réjouit et me paye du silence de leurs parents.

Pas de doute
51… je t’aime
F. L’amoureuse


À cet instant, mes derniers doutes s’envolent, et mon bonheur éclate à la face du monde !


À toi pour toujours,


Valentine



Mon intégrité m'oblige à avouer que, si ces sept annonces se trouvaient bel et bien dans Libé samedi, je me suis permis de modifier quatre lettres de celle consacrée à Palmyre...

16 décembre 2007

À amant avare, amoureuse prodigue





Cher Philippe,

Quel bonheur, ce matin, de te retrouver comme je t'aime ! La Panique au Mangin Palace du jour était un régal, à croire que les péchés t'inspirent... Mais n'est-ce pas le propre des grands péchés de donner les plus grands plaisirs ?
Certes, j'ai bien noté que tu as, une fois de plus, mis de côté la luxure, et lui as préféré l'avarice - alors même que je t'avouais tantôt qu'elle m'ennuyait -, mais enfin, j'en fus récompensée au-delà de mes espérances, car tu ne fus pas avare de ©ollinades et tu nous payas de (bons) mots, comme il se devait sur un tel sujet.
Sans doute la perspective de fêter bientôt la centième vivifia-t-elle ta nature prodigue.
Peut-être aussi que te savoir aimé après tant de temps, malgré les silences et les trahisons, te ragaillardit après quelques semaines de mollesse ?
Je sais, je ne devrais pas dire cela, mais que veux-tu, j'ai parfois regretté la parcimonie avec laquelle tu nous dispensas ces derniers temps les perles de ton esprit piquant. Elles me manquaient, tes saillies, dont tu n'étais pourtant pas avare au temps de l'innamoramento. Car c'est bien ta prodigalité qui m'a séduite, Philippe; tes manières généreuses, la largesse avec laquelle tu t'offrais à moi sur les ondes, me faisaient espérer un amant qui se dépenserait sans compter. Tu comblais chacun de mes sens avec une libéralité et une munificence qui me ravissaient.
Aussi continuais-je d'espérer, aux temps où ta verve se tarissait, que l'abondance rejaillirait bientôt. J'avais raison, mon bel amant, de miser sur le retour de la fortune : l'émission de ce matin démontra que tu n'avais pas perdu la main, et que ta langue savait toujours glisser avec talent au creux de nos oreilles.




Philippe, je brûle de recevoir encore et encore tes richesses. Les miennes, je les déposerai toutes à tes pieds, et je te promets que ma muse, pour toi, ne sera jamais avare.


À toi pour toujours,


Valentine


Jacques Callot, "L'avarice" et "La luxure", Les Sept péchés capitaux, Musée des Beaux-Arts, Nancy, s.d.
Java, "Pépètes", Hawaï, 2000.

14 décembre 2007

"Déplaire ou séduire"


Cher Philippe,

Même si je suis affreusement jalouse que ce ne soit pas sur ces pages que Monique et Jean-Claude aient laissé un message pointant vers un lien qui me met l'eau à la bouche, je ne peux néanmoins taire cette information de la plus haute importance. Alors en attendant la centième, et peut-être avant cela, le rêve que j'en fais, c'est ici que ça se passe. Avis aux amateurs...

Etre différent et pas pareil, comme pouvait être parfois France Inter, c'est forcément déplaire... ou séduire.
Philippe Collin, Panique au Mangin Palace

Déplaire, je ne sais pas, séduire, tu sais ce que j'en pense.


A toi pour toujours,

Valentine

Et merci à Elsa pour l'info de première main.


09 décembre 2007

Belles endormies




Cher Philippe,

Belles endormies, nous étions sans doute nombreuses ce matin à t'attendre, blotties au fond de notre lit. Je l'étais, en tout cas, encore songeuse des événements récents - ces vraies-fausses Valentines se découvrant au détour d'un bouquet de roses lancé à la mer de tes admiratrices, cette incursion enchantée des rêves dans la réalité sur laquelle je reviendrai bientôt. Ce fut dans cet état d'esprit empreint d'un désir nostalgique, ce desiderium cher à Kalliope, que tu me pris ce matin.
J'emploie ce verbe à dessein, cher Philippe : ce matin, tu me pris comme un amant prend sa bien-aimée et la comble de plaisir, ce matin, j'étais ta maiko, et tu étais mon maître, mon shogun. Car comment ne pas songer à l'amour quand tu choisis de consacrer une émission entière au royaume de l'érotisme raffiné ? Quand tous tes mots laissent affleurer, dans un art très japonais de la suggestion, le désir et la passion ? Les esclaves sexuels, les rayons du soleil levant qui transpercent parfois la brume de ton quotidien, les mangas, la cuisine raffinée, délicate et codée, et, bien sûr, la geisha, véritable incarnation du raffinement des nuits japonaises. Mais surtout, surtout, comment ne pas imaginer que toute l'émission ne tendait qu'à nous conduire, subjugués, comme ces jolies Tokyoïtes, vers la plage d'Odaiba ? Tu devineras sans peine dans quel état de trouble me plongea cette idée de toi, laissant les rayons du soleil réchauffer ton corps nu...

Une geisha est une personne d'art, c'est une artiste, une danseuse, une musicienne. Ce sont des femmes élevées pour être élégantes, qui ont l'habitude d'une très grande discipline esthétique, et qui sont appelées dans les banquets pour servir le saké et animer la conversation. On peut faire appel à elles pour le flirt et la passion, le grand amour, mais on ne peut pas dire que ce soient des prostituées.
Panique au Mangin Palace, FI, dimanche 9 décembre, 11h25.


Philippe, laisse-moi devenir ta geisha.

Je danserai pour toi.
Si tu le désires, de mes lèvres s'élèvera le chant le plus harmonieux.
La douceur de ma bouche te rafraîchira tandis que mon corps enflammé t'apportera l'exquise brûlure du plus délicieux saké.
Et je crierai ton nom quand la passion nous emportera.


A toi pour toujours,


Valentine


Kitagawa Utamaro, estampe illustrant Le Poème de l'oreiller, Londres, British Museum, 1788.
Death in Vegas, Girls, BO du film Lost in Translation, Sofia Coppola, 2003

07 décembre 2007

Pas d'orchidées pour Miss Valentine

Cher Philippe,


Cette année, la saint Nicolas aura été bien triste.
Jeudi 6 décembre, toute la journée, j'ai attendu, attendu.
Il n'est jamais venu.
J'ai pensé que, peut-être, ce serait pour le 7, mais vendredi s'achève, et toujours rien.

La sonnette à ma porte est restée désespérément muette.

Il me faut donc renoncer au doux rêve qu'un autre que toi avait fait naître en moi, et trouver ailleurs d'autres objets de plaisir, pour faire mentir le sentiment que je sens monter en moi et qui me souffle que l'enchantement s'est bel et bien brisé.
Puisses-tu, dès dimanche, le faire renaître, et pour longtemps.


A toi pour toujours,


Valentine

La photo qui illustre ce billet a été prise au Père Lachaise.

02 décembre 2007

Ce rêve étrange et pénétrant




A la fin du film Peau d'Âne, Jean Marais enlève Delphine Seyrig à bord d'un hélicoptère totalement improbable, tandis que Catherine Deneuve et Jacques Perrin se roulent dans l'herbe en mangeant des pâtisseries et en projetant de fumer de gros cigares.

C'est du grand n'importe quoi.

D'aucuns y verront le retour, brutal, du principe de réalité : les contes de fée ne sont qu'un amas de foutaises grotesques pour simples d'esprit, bientôt ramenés à la raison par le rappel à l'ordre du monde réel, resurgi sous forme d'hélicoptère, de franchises médicales ou de lit décidément bien vides.
D'autres, dont je fais partie, y liront un principe bien plus charmant :

A rêveur, rêveur et demi (et Demy?)

Oui, c'est du grand n'importe quoi, et c'est justement ça qui est bien. Non, aucune fée ne m'a permis d'exaucer mes trois vœux, non, tu ne m'as pas offert la chaleur de tes bras, mais je me suis bien amusée. Et lorsque j'ai repris pied dans la réalité, j'ai découvert que durant mon grand enchantement, tu t'étais toi-même livré à de charmants fantasmes en explorant le secret des alcôves : comment aurais-tu pu ne pas songer aux mots que je susurre à ton oreille tandis que tu effeuillais sur les ondes les draps de la chambre nuptiale ?
Alors, oui, comme me le suggérait Val, il est temps de faire plier la réalité à nos rêves.
C'est bien, me semble-t-il, ce que tu entreprends chaque dimanche pour notre plus grand plaisir, et c'est ce que je tente de faire sur ces pages.

Aucune chance, donc, pour que je laisse le mot de la fin à des briseurs de rêves.

A toi pour toujours,


Valentine


Ludovico Cardi, Psyché endormie, Musée du Louvre, fin XVIème siècle.
Alex Baupin, "Je n'aime que toi", BO du film
Les Chansons d'amour, 2007.

24 novembre 2007

Enchantement, III



Au matin du septième jour, ayant bien profité du plaisir d’avoir sauvé France Inter et d’avoir restauré la République, je décidai de formuler enfin mon dernier vœu, le premier dans l’ordre de mon cœur. Depuis une semaine que j’y pensais, que je le retournais dans ma tête et n’y trouvais, décidément, qu’une source de joie et d’émerveillement, j’étais prête.
Fébrile, je fermai les yeux et prononçai tout haut les mots qui devaient me conduire au bonheur. Puis je rouvris les yeux sur le monde, sûre qu’il avait changé.
Le contact des draps était toujours aussi doux contre ma peau. Le jasmin posé sur la commode ne me semblait pas plus fleuri, et les murs blancs ne brillaient pas d’un éclat qui aurait pu annoncer une apparition. Les rideaux, à la fenêtre, faisaient ressortir le bleu étincelant du ciel, mais nul visage aimé ne s’y affichait. Qu’avais-je donc cru ?
Sans réfléchir, j’allumai la radio, et ne fus accueillie que par une publicité idiote vantant les mérites d’une compagnie spécialisée dans le recouvrement des impayés. Hébétée, je l’éteignis aussitôt et me recroquevillai légèrement entre les draps. Pourquoi diable ne se passait-il rien ?
J’attendis, j’attendis encore.
Rien.
Puis une lueur me vint : s’il m’avait suffi d’allumer la radio pour apprendre que mes deux premiers vœux avaient été exaucés, aucun flash spécial ne pourrait, cette fois-ci, dire au monde ce que j’espérais tant. C’était ailleurs que tout se jouerait, loin de mon lit – du moins dans un premier temps. Forte de cette nouvelle certitude, je me levai et me précipitai sur mon ordinateur, soudain certaine qu’un commentaire m’attendait, qui me dirait que faire. Hélas. Nul commentaire, ni rien non plus sur mon téléphone, que j’éteignis et rallumai pourtant quatre fois de suite pour être sûre qu’il fonctionnait bien. De désespoir, j’ouvris avec fracas les fenêtres et les portes mais ne trouvai personne qui s’y serait caché à m’attendre. J’étais seule.
Deux heures plus tard, je l’étais toujours, et mon portable aurait dû fondre sous le coup des vérifications incessantes et compulsives que je lui avais infligées en vain. Folle de chagrin, je me jetai sur mon canapé en pleurant toutes les larmes de mon corps. Qu’avais-je fait pour mériter pareille cruauté ? Maudissant la bonne fée qui s’était changée en sorcière, le visage baigné de larmes amères, je finis par sombrer dans un demi-sommeil hanté de mauvais rêves.
Ce fut la sensation d’une caresse sur ma cheville qui m’en tira. D’abord, je ne voulus pas y croire, encore toute à mon rêve agité. Mais c’était bien une main douce, chaude et assurée qui effleurait ma peau et remontait lentement le long de ma jambe nue, faisant naître en moi de délicieux frissons. Je résistai à la tentation d’ouvrir les yeux, de peur que le charme ne se rompe, et m’abandonnai entièrement à l’exquise torture à laquelle me soumettait cette main inconnue. Je savais qui se cachait derrière elle. Un seul homme sur la terre était capable de me faire ainsi vibrer, d’embraser mes sens d’une seule caresse, de me conduire aux portes du plaisir rien qu’en soufflant sur ma peau nue pour attiser le feu qui me consumait. Quand la main s’amusa à frôler le repli secret de mon genou, là où la peau était si sensible, puis glissa un peu plus haut sur ma cuisse, s’immisçant doucement sous ma jupe, une onde de chaleur s’insinua en moi, remontant comme une flamme jusqu’à mon sexe brûlant de désir. Si la main s’aventurait plus haut, j’allais défaillir. Si elle s’arrêtait là, j’allais devenir folle…
Ce fut à cet instant que je me réveillai, haletante.
Ce n’était qu’un rêve.
Pourtant, malgré le trouble dans lequel il m’avait précipitée, j’eus très vite le sentiment qu’il n’était pas survenu par hasard. Ce rêve me disait d’aller au bout de mon désir, d’aller trouver ces mains qui m’enflammeraient. Et soudain, comme par miracle, je sus où je trouverai le doux objet de mes vœux.
Une heure plus tard, je sirotais une coupe de champagne au bar de l’Hôtel du Louvre, ignorant le regard lourd de désir des hommes qui m’entouraient. Je n’aurais d’yeux que pour Lui, et je savais qu’Il viendrait. Une heure passa, puis deux. Enfin, quand le serveur vint me demander si je désirais une troisième coupe, je dus me rendre à l’évidence. Dissimulant à grand peine ma déception, je déclinai sa proposition et repris tristement le chemin de ma maison. J’étais si sûre, pourtant, qu’Il viendrait…
Chez moi, nul message ne m’attendait, et je me laissai tomber avec un grand soupir sur le canapé où j’avais si bien rêvé. Sans y penser, j’allumai la radio et fus soudain frappée de stupeur en entendant la chanson qui y passait à cet instant précis :

Mon enfant,
Il vous faut oublier à présent ces fantasmes démoralisants
Et vous rencontrerez un charmant va-nu-pieds ou un prince mendiant
Mais, de grâce, oubliez cet hymen insensé !

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Moi qui attendais un signe, les paroles de la fée des Lilas me foudroyèrent le cœur. Et me laissèrent comme morte. Ainsi, mon vœu était si insensé que nulle magie ne saurait l’accomplir ? Mon amour si fou qu’il n’avait aucune chance sur la terre ?
Comment aurais-je pu vivre après cela ?
Mais avant de partir, j’allais Lui dire enfin le vrai de mon cœur, j’allais Le forcer à m’entendre, Lui qui fuyait depuis si longtemps. Assez des messages sans réponse, assez des billets lancés à la mer, assez du silence, assez ! J’allais faire ce que je m’étais toujours refusée à faire, j’allais Lui écrire directement, sans plus me dissimuler derrière des mots que d’autres que Lui pouvaient lire. Une lettre, qui ne s’adresserait qu’à Lui. Ensuite, seulement, je partirai.
Étrangement soulagée par cette décision, je me connectai à mon compte valentineaimephilippe@yahoo.fr, qui était resté désespérément désert depuis que je l’avais créé. Deux fois seulement, j’avais cru avoir reçu un message à cette adresse, et deux fois, mon cœur avait fait un bond dans ma poitrine, avant de se fendre en mille morceaux quand j’avais constaté qu’il ne s’agissait que de spams. De Lui, je n’avais jamais rien reçu, et cette adresse que je ne consultais plus allait au moins servir de tombeau à notre amour.
Je cliquai sur l’icône « Valentine » afin d’activer cette funeste messagerie, et soudain, le monde entier se mit à vaciller autour de moi.

J’avais un message.
Daté de la veille.

Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour, annonçait l'en-tête, et, le cœur battant, je cliquai sur le message.

Lui : Je ne savais pas que tu m’aimais
Elle : En êtes-vous certain désormais ?
Lui : Il aura suffi d’un anneau d’or
Elle : Il aura fallu qu’on nous jette un sort
Eux : Mais qu’allons-nous faire

De tant de bonheur
Le montrer ou bien le taire?
Tous deux nous feront de notre vie
Ce que d’autres n’ont jamais su faire
Nos amours resteront légendaires
Et nous vivrons longtemps après la vie


Philippe.


FIN





Frederico Fellini, La Dolce Vita, 1960
Michel Legrand, "Conseils de la Fée des Lilas" et "Rêves secrets d'un prince et d'une princesse", Peau d'Âne, 1970

19 novembre 2007

Enchantement, II

Cher Philippe,


Au matin du deuxième jour, je me réveillai avec des rêves plein les yeux, encore sous le charme du songe qui m’avait ravie en me laissant croire qu’une bonne fée s’était penchée sur moi et m’avait offert d’exaucer mes trois vœux les plus chers. Encore ensommeillée, je tendis la main pour allumer la radio, et découvris avec stupéfaction que je n’avais pas rêvé. Le premier vœu que j’avais formulé s’était bel et bien réalisé, et France Inter était redevenu le refuge des voix chères qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.
Exaltée, je me redressai dans mon lit et prononçai à voix haute le deuxième de mes vœux.
Et voici ce qui arriva :


Un flash spécial interrompit soudain l’excellente émission de Vincent Josse qui occupait désormais toute la tranche du 9-11, et attira mon attention. Nicolas Sarkozy avait été retrouvé baignant dans une mare de sang, dans la salle de bains aux robinets chromés de l’Elysée. Les premiers éléments de l’enquête avaient permis de conclure à une mort accidentelle des plus stupides. Alors que le chef de l’Etat ( ?) se rasait en écoutant les informations d’Europe 1, sa main avait dérapé lorsque Jean-Pierre Elkabbach avait annoncé d’une voix funèbre qu’en dépit des excellentes propositions qu’avait faites Nicolas Sarkozy pour sortir de la crise qui paralysait le pays par la faute d’une poignée d’irresponsables égoïstes, la prise d’otage dont le pays tout entier était la victime innocente depuis quelques jours ne semblait pas prête de finir. Sans doute ivre de rage devant ce camouflet qui lui était infligé, le président ( ?) avait mimé la manière dont il comptait bien trancher dans le vif pour libérer le pays de cette chienlit qui le rongeait depuis trop longtemps. Las, il avait oublié qu’il tenait à la main un rasoir de qualité supérieure, et la seule folie qu’il trancha fut la sienne.
Aussitôt, l’état d’urgence fut décrété, et les Français découvrirent bientôt que, Nicolas Sarkozy disparu, la France était livrée à elle-même. Les membres du gouvernement furent bien forcés d’admettre qu’ils n’avaient été recrutés que pour donner le change, et qu’ils n’avaient aucune idée de la manière dont ils pourraient gouverner le pays, à présent que leur mentor n’était plus. Dans un bel élan de solidarité comme on n’en avait plus vu depuis longtemps, les députés décidèrent eux-mêmes de dissoudre l’Assemblée, dont la composition abracadabrantesque sautait désormais aux yeux et ne s’accordait pas avec l’ardeur démocratique, qui, au même moment, s’élevait en grondant à travers tout le pays.
Partout, dans les villes et les campagnes, on assistait au même spectacle réjouissant : main dans la main, les citoyens s’attaquaient à la chape de plomb réactionnaire qui avait failli tuer dans l’œuf le contrat social, et réclamaient le retour à l’ordre républicain, le vrai. Ceux des médecins qui, depuis quelques années, avaient eu la fâcheuse habitude de confondre la santé publique avec une poule aux œufs d’or, ceux qui avaient refusé de soigner les bénéficiaires des minima sociaux, étaient reconduits aux frontières vers les el dorado qu’ils avaient tant aimé prendre en exemple. Les autres, la grande majorité, rassemblés derrière Martin Winckler et Patrick Pelloux, redessinaient la carte de France de la santé, décrétée d’absolue utilité publique, au même titre que l’énergie, le logement, l’éducation et les transports. Un nouveau parti émergea rapidement à partir des réseaux dormants de la résistance républicaine et démocratique, et bientôt, de nouvelles élections furent organisées.
L’UMP ne put présenter aucun candidat, décapité qu’elle était par la mort de son chef qui avait été enterré à la hâte au cimetière de Neuilly – les protestations de quelques hurluberlus réclamant que leur chef fût enseveli avec les honneurs en un lieu à sa taille furent balayées d’un revers de main, et en fait de sarcophage monumental aux Invalides, Nicolas Sarkozy eut droit à une dernière demeure exactement à sa mesure, 1m 67. Au PS, l’incapacité des éléphants à s’accorder sur un candidat en moins de cinq ans priva ses membres, peu nombreux il est vrai, de représentation, et l’élection fut remportée sans aucune difficulté par le nouveau parti qui venait d’émerger, nommé le Fil RSS, le Fil de la République Sociale et Solidaire.
Le Fil RSS avait la particularité d’être dirigé collégialement, et ce fut donc un collège de sages qui s’installa à l’Elysée, parmi lesquels siégeaient toutes les personnes de bonne volonté susceptibles de renouveler le contrat social en assignant à l’Etat la mission première et inaliénable de garantir à tous l’égalité, la liberté, et la solidarité.
Ce qui fut fait.


Enchantée par la bonne fortune que nous allions désormais connaître collectivement, je décidai de prendre un peu de repos avant de prononcer mon troisième vœu, le premier dans l’ordre de mon cœur. J’avais sauvé France Inter du naufrage, j’avais restauré la République, je me sentais en droit d’utiliser mon premier vœu pour moi, uniquement pour moi, et avant de prononcer les mots qui allaient m’apporter ce dont je rêvais depuis si longtemps, il me fallait bien réfléchir à la meilleure façon de les formuler, afin que mon vœu se réalise aussi de la meilleure façon qui soit.


A suivre…


Gustave Moreau, La fée aux griffons, fin XIXème siècle, Musée G. Moreau, Paris.

18 novembre 2007

Enchantement, I

Cher Philippe,

Comme j’écoutais religieusement ta voix égrener ses dernières notes dans le poste, ce matin, rêvant à la magie blanche et au philtre d’amour qui m’ouvriraient enfin les portes de ton cœur, ma chambre fut tout à coup illuminée par un éclair aveuglant, et quand je recouvrai enfin la vue, elle était là qui se tenait, merveilleuse apparition, au pied de mon lit.
Une femme d’une beauté irréelle, comme nul homme n’en avait jamais vue. Elle avait un visage d’une exquise délicatesse, avec de longs cheveux soyeux qui lui tombaient sur les épaules comme autant de fils d’or, et des yeux aussi étincelants que le diamant le plus pur. Son corps, aérien et sublime, se faisait la promesse d’un éblouissant rêve. Tout son être composait un labyrinthe parfait où je ne demandais qu’à me perdre. Et quand elle entrouvrit les lèvres, les paroles qui s’en envolèrent furent un complet ravissement :

Valentine, je viens, touchée de ta complainte,
Soulager la tristesse que tu n’as jamais feinte.
Tu l’as tant mérité, aussi je te promets,
Moi qui du monde entier suis la belle maîtresse,
D’exaucer pleinement les trois premiers souhaits
Que depuis si longtemps je sais que tu caresses.
Vois ce qui peut te rendre heureuse.
Vois ce qui peut te satisfaire.
Et comme ton bonheur dépend tout de tes vœux,
Songes-y bien, fillette, avant que de les faire.

Puis elle disparut, me laissant ahurie devant tant de bonté.
Je restai de longues minutes au creux de mon lit, caressant chaque vœu que je pourrais former, hésitant encore et encore, tout d’abord incapable d’arrêter quelque choix. Le premier de ces vœux m’apparaissait clairement, mais je voulais pouvoir le garder pour la fin. Je savais, du deuxième, quel serait son sujet, mais il me paraissait complexe à énoncer. Me restait le troisième, qui me prit plus de temps.
Enfin, je les tins tous, et pus les formuler.
Et voici ce qui se passa lorsque je prononçai le dernier de ces vœux :

Calvi fait immédiatement mieux (0,1 point de plus, ndlr) que ce que faisait Bonnaud, Jean-Paul Cluzel, 15 novembre 2007, JDD, commentant les derniers résultats de l’audience de France Inter.

Alors qu’il prononçait cette phrase, Cluzel fut soudain pris de convulsions, tandis que des crapauds s’échappaient de sa bouche en un ignoble flot qui menaçait de ne jamais s’arrêter. Je choisis cet instant pour apparaître, et lui révéler l'antidote dont je détenais seule le secret: s’il voulait que le sortilège prît fin, il devrait remercier Calvi, redonner les pleins pouvoirs à Bonnaud et sa bande et ne plus jamais s’immiscer dans la programmation, sous peine que les couleuvres, celles-là même qu’il nous avait fait avaler depuis si longtemps, ne rejaillissent de sa bouche.
Terrorisé, il tint sa promesse, et fit même mieux. Bernard Guetta, Bécasse Schneck, Isabelle Giordano, Isabelle Jeanperrin et Jean-Marc Sylvestre furent aussitôt interdits d’antenne, bientôt rejoints par Valli, Stéphane Paoli et Pierre Weil. Nicolas Demorand fut autorisé à rester, à la condition expresse qu’il arrête de crier dans le poste.
Satisfaite, je pus de nouveau régler mon transistor sur la fréquence que je n’avais, au fond de mon cœur, jamais cessé d’aimer.
Puis je décidai de me reposer un peu avant d’énoncer mon deuxième vœu.

A suivre...

Valentine



Delphine Seyrig et Catherine Deneuve,
Peau d'Âne, Jacques Demy, 1970

14 novembre 2007

Mauvaise foi

Cher Philippe,

Ce matin, c'était la grève, et, tu le sais, les jours de grève, on doit être pris en otage par d'odieux syndicalistes cruels et prêts à tout, sinon cela veut dire que la grève n'a pas vraiment eu lieu, ou que c'est une grévette, une grève dont tout le monde rigole.
Or, le mercredi, il se trouve que je travaille chez moi, si bien que je risquais de passer à côté de ma prise d'otage obligatoire. Aussi me suis-je forcée à deux choses :
Primo, je suis restée au lit bien plus tard qu'à l'accoutumée, afin que pour moi aussi, aujourd'hui, la journée de travail et ses horaires soient bien chamboulés.
Secundo, et cela m'a coûté, j'ai décidé, tandis que je profitais de quelques minutes encore pour me prélasser dans mon lit, d'allumer ma radio sur France Inter. Tu le sais, je n'écoute plus France Inter le matin depuis des semaines (et plus du tout, en fait, sauf le dimanche), mais ce faisant, j'ai eu le sentiment d'être solidaire des otages qui ne devaient pas manquer d'encombrer les quais des gares et des stations de métro : bringueballée sans comprendre, attendant qu'il se passe enfin quelque chose, ne sachant jamais si je finirais par arriver à destination.
Prisonnière d'enjeux qui me dépassaient.
Car figure-toi, cher Philippe, qu'un débat fondamental se jouait ce matin sur France Inter. Et un débat conduit avec la plus grande rigueur, entre Franz-Olivier Giesbert et Christophe Donner, le tout à peine arbitré par un Vincent Josse qu'on avait connu mieux inspiré.
Je ne te rapporterai pas leurs propos, tant ils étaient ineptes, il suffira que je dise que Donner accusait Giesbert de ne pas avoir voté pour lui pour le Renaudot, et d'avoir mené une cabale destinée à empêcher tout auteur estampillé Grasset de parvenir aux honneurs tant désirés. J'ai rarement entendu débat si consternant, et ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir beaucoup entendu BHL et Finkelkraut s'exprimer sur les ondes ces derniers temps- eh oui, même sur Radio Classique.
Mais le plus insupportable, ce n'était peut-être pas d'entendre ce vieil assis de Giesbert s'empêtrer dans des arguments totalement fallacieux et tenter d'en sortir par de ridicules éclats paternalistes des plus déplacés - qu'aurais-je pu attendre d'autre de la part d'un écrivailleur si médiocre ? Non, ce qui était le plus insupportable, c'était de voir Christophe Donner se laisser prendre au piège que lui tendait Giesbert. Non que j'aime particulièrement Donner - ses chroniques du Monde 2 m'énervent le plus souvent, mais enfin, il a un ton qui a le mérite de trancher un peu sur celui, aseptisé, de ses aînés. Sauf que ce matin, il avait surtout le ton de celui qui se laisse avoir, qui le sait, et qui aime ça, parce qu'il sait qu'ainsi, il sera reconnu dans la cour des aînés, ceux qu'il aimerait déjà pousser dans la nuit de la critique.
Et alors qu'au départ, j'avais l'impression d'entendre l'homme de bonne foi, Donner, se laisser prendre par le vieux filou à la rhétorique bien trop exercée, j'ai fini par entendre toute autre chose. C'était Donner qui menait le jeu. Qui lançait la polémique, et qui en profiterait - par un bond significatif des ventes (jurisprudence Houellebecq), et, un peu plus tard, par la publication du récit de la polémique (jurisprudence Angot).
A cet instant, je dois bien l'avouer, j'ai eu envie d'écraser ma radio à coups de massue, et afin de ne pas céder à cet instinct primaire et bestial, je me suis levée. Juste à temps, aussi, pour ne pas entendre l'insupportable voix d'Isabelle Giordano annoncer l'arrivée de la non moins insupportable Bécasse Schneck, ce qui m'aurait, à coup sûr cette fois, forcée à massacrer mon poste.
Demain, cher Philippe, la grève continuera peut-être, et dans ce cas, j'enfourcherai mon vélo pour me rendre dans les locaux de la sinistre entreprise qui m'emploie à m'étioler. Mais, c'est juré, je ne me laisserai plus prendre en otage par le service minimum de la radio publique.
Sauf le dimanche, cela va sans dire, où je succomberai volontiers au syndrome de Stockholm de 11 heures à midi.

A toi pour toujours,


Valentine

Goya, Saturne dévorant ses enfants, Madrid, Musée du Prado, c. 1821.

11 novembre 2007

La rencontre subtile de deux solitudes



L'amour est avant tout la rencontre subtile de deux solitudes.
(Philippe Collin, dimanche 11 novembre, 11h20, France Inter)

En ce cas, cher Philippe, qu'attends-tu?

A toi pour toujours,

Valentine



Giotto, Noli me tangere (détail), chapelle Scrovegni, Padoue, c. 1304.



04 novembre 2007

Revue de presse

Paris, 4 nov 2007 (AFP) - Anniversaire de l’émission Panique au Mangin Palace.
Le 23 décembre 2007, l’émission "Panique au Mangin Palace", présentée en direct chaque dimanche de 11h00 à 12h00 sur France Inter, célébrera son centième numéro. Son animateur vedette, Philippe Collin, annonce une émission spéciale, ponctuée par de nombreuses surprises.

Portrait


Philippe Collin, 33 ans. Depuis le temps que ses imparables saillies nous font rire sur France Inter, on aurait presque l’impression de le connaître par cœur. Erreur : derrière le trublion se cache un vrai séducteur.


Philippe Collin nous donne rendez-vous au Zebra Square, juste en face de la Maison de la Radio. Ils se la pètent un peu, nous prévient-il au téléphone, mais ça a l’avantage d’être tout près. Il a raison. On a juste le temps de s’installer qu’on le voit débarquer, tout sourire et les cheveux en bataille, et on tombe sous le charme. On le lui dit, il rit, avant de répliquer qu’on n’a encore rien vu, et qu’on sera fou amoureux au moment de se quitter, ça fait toujours ça. Nous, on attend de voir, mais on est d’accord sur le principe. Justement, des amoureuses, il doit en avoir beaucoup, non ? Cette fois, le sourire se fait plus poli, ferme : si on parlait plutôt de son travail ? OK.

Presque cent émissions de la Panique au Mangin Palace au compteur, comment fait-il pour garder le rythme ? Pour se renouveler ? Pour rester incisif, et drôle ? La faute aux autres, il paraît. Faut dire qu’il l’aime, sa bande de doux-dingues. Ne les remercie-t-il pas chaque semaine à l’antenne, les Mauduit et consort, sans qu’on n’ait jamais l’impression qu’il se force ? Mais quand même, on insiste, c’est bien lui le chef, non ? L’instigateur ? Ça a l’air de le faire marrer, cette formule. C’est le genre de trucs qu’on peut penser de l’extérieur, mais entre nous, ça n’a jamais fonctionné comme ça. C’est plutôt comme une grande cour de récré, on s’amuse tous à des trucs différents, et puis quand l’un des jeux prend le dessus, tous les autres viennent s’y greffer, parce que c’est là que ça se passe. On mutualise les vannes et les idées, en fait.

Un phalanstère fouriériste, en somme – pas étonnant, c’est du vrai service public. Bon, et ce numéro cent, le 23 décembre, on doit s’attendre à quoi ? Le regard se met à pétiller, et cette fois, on fond littéralement. Si je vous le disais, ce ne serait plus une surprise. Trop facile, Philippe. Y’aura des paillettes ? Des filles nues (super radiophonique) ? Des invités surprise en studio ? Des fans ? Quelque chose nous dit qu’on touche un point sensible. On s’est laissé dire que Bonnaud pourrait venir faire un tour pour la centième, vous confirmez? Petit sourire mystérieux, vous verrez bien. Et les rumeurs sur la venue d’une certaine Valentine, info ou intox ? Cette fois, une petite moue agacée remplace le sourire : on avait dit qu’on ne parlait pas de ma vie privée.


Message reçu. En tout cas, le 23, on sera derrière notre poste, promis juré.



France Inter. La première station du groupe Radio France se lance dans l’événementiel.

La première station du groupe Radio France se lance dans l’événementiel. Décidée à booster des résultats en stand-by, la chaîne mise sur l’interactivité et l’entertainment pour regagner des parts de marché. Philippe Collin a été missionné pour finaliser un contenu plus impactant, dont sa nouvelle ligne sera opérationnelle le 23 décembre 2007.


31 octobre 2007

34



Cher Philippe,

Demain, il faudra que je change l'intitulé de ma déclaration, car je cesserai, à minuit et quart, d'avoir l'âge du Christ.
Finalement, ça ne s'est pas trop mal passé.
En revanche, je suis toujours loin d'avoir accompli les fabuleux exploits d'Alexandre, même si t'aimer si fort, et te le dire, a pu avoir, parfois, quelque chose de l'exploit...
Enfin voilà, demain, c'est la Toussaint, et j'aurai 34 ans : comme tous les ans, je commencerai sans doute ma journée par une visite aux cimetières, et puis je boirai du champagne en pensant à toi. En souhaitant que, peut-être, tu te décides à m'offrir le cadeau dont je rêve en me faisant signe...

A toi pour toujours,

Valentine

28 octobre 2007

Mieux est de ris que de larmes écrire

Cher Philippe,

Tu ne rêves pas, c'est bien moi qui ris sur cette page. Je te mentirais en disant que cette photo fut prise pendant la Panique de ce matin - non qu'elle n'ait été réussie, au contraire, elle fut particulièrement riche en ©ollinades. Mais voilà, ce rire, il n'était pas pour toi : quand je fus prise ainsi riant, je ne t'aimais pas encore. Je te connaissais, bien sûr, et sans doute l'amour que j'allais te vouer avait déjà pris le chemin de mon cœur, mais il était loin de la passion qui m'anime à présent.
Pourtant, c'est bien en me faisant rire que tu m'as séduite, et que tu continues à entretenir ma flamme, peut-être malgré toi. C'est comme cela que ce matin, je me suis retrouvée à écouter avec une attention toute particulière les dernières minutes de l'émission, attendant, attendant que le rire médétongnonesque te reprenne, comme il t'avait pris la semaine dernière. Car comment aurait-il pu ne pas te reprendre?
Je t'imaginais très bien : l'émission était presque finie, tu t'en étais très bien sorti, ne restaient donc que les remerciements traditionnels, une minute à peine et ton week-end commencerait. Sauf que voilà, tu savais très bien aussi, par cette espèce d'étrange pensée de derrière qui nous ramène à ce qu'on préférerait oublier, qu'à la fin de cette minute, tu allais devoir prononcer le nom de "She-Who-Must-Not-Be-Named", Elise Médétongnon, documentaliste de l'INA.
La semaine dernière, ça s'était soldé par un fiasco, à peine avais-tu réussi à aligner les syllabes maudites que le rire s'échappait de ta bouche, incontrôlable, et communicatif : derrière mon poste, je ressemblais alors trait pour trait à la photo du jour. Tu t'en voulais, tu savais que c'était injuste, qu'Elise ne méritait pas tant d'indignité, mais c'était bien plus fort que toi, et les trente dernières secondes de l'émission te parurent longues, très longues. Sans parler des excuses que tu te sentis obligé de présenter ensuite à la demoiselle (lui envoyas-tu une lettre, à Elise?), et qui te coûtèrent encore plus, parce qu'en les prononçant, tu sentais renaître en toi l'affreux rire de l'idiot. Bref, un terrible moment, mais qui allait te faire bien rire à chaque fois que tu y repenserais, en privé, de ces petites pensées qui réjouissent quand elles ressurgissent quand on ne s'y attend pas. Quand on ne s'y attend pas, c'était bien tout le problème, car ce matin, tu t'y attendais, et nécessairement, tu redoutais cette minute, cet instant où tu allais devoir y passer.
C'était du moins ce que je croyais. Aussi attendais-je avec une joie croissante la fin de la litanie, croyant percevoir ça et là des faiblesses dans ta voix, qui auraient trahi le rire montant. Tes circonvolutions ne dupaient personne : je savais bien, moi, que si tu passais tant de temps à remercier ton stagiaire Olivier Ferry, c'était pour repousser le moment de vérité, et je riais déjà, me réjouissant de ce qui allait suivre.
Et patatras !
Aujourd'hui, Elise avait été remplacée par Jennifer Gillot.
Adieu veau, vache, cochon, couvée : ton rire n'illuminerait pas ma journée. Un odieux soupçon, en revanche, vint le remplacer : mon amour, tu n'aurais quand même pas remercié Elise pour ne pas avoir à prononcer son nom ? Je ne t'en aimerais pas moins, sache-le, mais tout de même, cette pauvre Elise, remerciée parce qu'elle ne pouvait entrer bien dans les remerciements, ne méritait sans doute pas ça.


A toi pour toujours,

Valentine



21 octobre 2007

Trop vieille pour toi ?

Cher Philippe,

Sans doute suis-je en train de vieillir prématurément. Peut-être ne te mérité-je pas, au fond. Car voilà : cela fait plusieurs fois, ces dernières semaines, que je m'endors en t'écoutant.
Tu le sais, j'aime t'écouter sous ma couette le dimanche matin : même les jours où, prise d'un élan sarkozyste, je me lève tôt, je me recouche vers 11h02 avec un thé fumant, prête à t'accueillir avec joie. Tu te mets à parler, dans ma tête je récite avec toi les mots immuables que je connais par cœur, comme une prière, et l'émission commence. Je suis bien, bonjour à toi l'ami. Je découvre le sujet du jour - sauf pour les cas où j'aurais cédé à la tentation d'obtenir la clef du mystère dans mon magazine du mercredi. Ce matin, les vieux. Après tout, pourquoi pas ? J'attends alors la première ©ollinade, qui ne tarde jamais, puis je me laisse emporter par ta voix.
Trop emportée, peut-être. Première alerte : vers 11h32, je sens mon attention flotter. Tu parles, tu parles, et moi, de l'autre côté du poste, je rêvasse. Jeanne Calment a connu les funérailles nationales d'Hugo... Je passe dans ma tête les événements que j'ai connus - deux nouveaux papes, le mariage et la mort de Lady Di, la coupe du monde de 98, le 11 septembre, l'éviction de Bonnaud des ondes France Inter, l'enterrement d'un roi de France (si si, je t'assure, le transfert du cœur de Louis XVII à Saint-Denis, en 2005, j'y étais...) Ça y est, j'ai perdu le fil, et je me force à revenir à toi. Voulez-vous danser grand-mère, mon Dieu, c'est affreux, je connais les paroles par cœur... Mes grands-parents, morts depuis longtemps, font irruption dans ma chambre, et une jolie tristesse m'envahit. Heureusement, les VRP me réveillent, j'avais quel âge, déjà ? On jouait au tarot en buvant des martinis et en écoutant les VRP en boucle. C'est loin, très loin... Le rêve reprend, et cette fois, je ne peux plus l'arrêter.
Je suis en province, les vieux ne parlent plus, pourtant le mien, dans son vieux pardessus râpé, semble sur le point d'exploser. Comment ça, rentrer tard ? me dit-il, alors que je me tiens devant lui, un peu tremblante dans ma robe blanche qui me fait ressembler à une meringue. Je ne suis pourtant pas venue lui demander la permission de minuit, ça fait longtemps que je l'ai, je veux juste qu'il me conduise à l'autel. J'y suis, justement, l'église resplendit, il y a des fleurs partout, je ne vois que toi, mon père a fini par se calmer, il finira bien par apprendre à t'aimer, lui aussi. Ce soir, nous irons danser, ce soir, nous ferons voler nos chemises et nos pantalons, mais avant, le prêtre réclame notre attention. Je parviens à grand peine à détacher les yeux de toi que j'aime, je m'apprête à dire oui, mais soudain, Monique fait irruption dans l'église et s'écrie que, ça y est, le vieux est de retour. Ma mémoire flanche, je ne me souviens plus très bien : qui est-elle ? Pourquoi ne voudrait-elle pas que je t'épouse enfin ? Tant pis, je me penche vers toi, je te donne un long baiser sans fin, et la musique me tourne la tête. Le tourbillon m'emporte, mais voilà qu'un schhbliiing de mauvais augure brise mon rêve.
Nous voici donc arrivés au terme de notre visite à l'hospice.
L'hospice ? Mais j'étais à l'église, moi, dans tes bras... Je me réveille doucement, dehors, le soleil brille toujours, et je suis toute seule dans mon lit. Allez, la semaine prochaine j'essayerai de ne pas rater tes mots doux, et ton rire médétongnonesque...

A toi pour toujours,

Valentine



Hans Baldung Grien, Les trois âges de la vie, c. 1539, Madrid, Musée du Prado.

17 octobre 2007

Dura lex, sed lex

Quand je suis à vélib, et qu'il n'y a plus de place disponible pour raccrocher l'engin, je suis en tort. C'est la loi.
Quand je rate une séance chez le monsieur de la tête, même si j'ai une bonne raison, je paye. C'est la loi.
Quand l'assemblée vote une loi scélérate, j'en subis les conséquences. C'est la loi.
Quand 53% d'un pays donne les pleins pouvoirs à un irresponsable, je deviens la cible de cet outre-pouvoir. C'est la loi.
Quand je vais chez le médecin, si je prends rendez-vous pour ne pas attendre trop longtemps dans la salle d'attente, je paye plus cher. C'est la loi.
Quand un malappris me raccroche au nez après m'avoir harcelée de paroles pendant une heure, je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. C'est sa loi.
Quand mon odieuse chefaillonne me fait reprendre un texte dix fois de suite, pour finalement revenir à la version d'origine, je dois me taire. C'est la loi.
Quand je reçois une lettre d'Arnaud Lagardère, expliquant à tous les salariés du groupe qu'on le traîne injustement dans la boue et qu'il attend de chacun de nous un soutien sans faille, qu'il souhaite que nous fassions corps derrière lui pour défendre son honneur flétri, je n'ai pas le droit de rire. C'est la loi.
Quand j'aime et n'obtiens que le silence en réponse, je m'y plie. C'est la loi.

Ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste

Eh bien vois-tu, cher Philippe, rarement cette pensée pascalienne ne m'aura semblé si juste. Reste donc à la faire entendre avec force.

A toi pour toujours,

Valentine

Lucas Cranach, Allégorie de la justice, 1537

13 octobre 2007

Second life


Cher Philippe,

Un mien ami exilé au bout du monde m'écrivait l'autre jour et me demandait comment la vie allait, à Paris. Voici ce que je lui répondis :

Quand je pense à tout ce que tu rates ici ! Le champagne coule à flots dans les rues, les filles dansent nues dans les cafés, les entreprises, le métro, Sarko vient de proclamer les 8 heures, désormais, nous ne travaillons plus qu'un jour par semaine (moi j'ai choisi le dimanche, comme ça je suis payée double), la vaste entreprise qui m’emploie vient de me nommer à la tête d'une nouvelle collection de réédition de textes rares - on prévoit un lancement très haut de gamme, sur papier bible, mais à des prix abordables. L’édition de ma thèse vient d'être retenue pour le Nobel de la recherche, et mon roman, que j'ai achevé depuis ton départ, est bien placé pour le Goncourt (mais c'est vrai que ça m'a fait très plaisir de recevoir le Renaudot).

Sinon, un anticyclone nous donne un franc soleil, mais pas la canicule quand même, hein, et comme les piscines sont désormais ouvertes 24/24, c'est bien pratique - d'autant que les lignes sont limitées à 5 nageurs, et qu'avec mon ancienneté, j'ai eu une carte tout de suite. Du coup, hier, je suis allée nager, et j'ai profité des services de massage gratuits à la sortie (c'est pas mal, ça, ça détend bien), et après j'ai dîné avec Emmanuel Carrère qui a un projet à me proposer - je ne t'en parle pas plus, c'est un peu confidentiel, moi-même, quand j'ai trouvé son message sur mon répondeur, j'ai d'abord cru à une erreur. C'est sans doute Jean-Paul Dubois ou Olivier Adam qui lui auront parlé de moi.

Bref, avec tout ça, j'ai pas trop de temps à moi, tu l'imagines, mais Philippe est génial, comme toujours : malgré toutes ses responsabilités à Radio France (il vient d'être nommé chef du nouveau service culturel sur France Inter, c’est beaucoup de boulot, mais il adore. D’autant que depuis que Frédéric Bonnaud, le nouveau président de France Inter, a réorganisé la grille et viré tous les éléphants qui plombaient l’antenne, toute la maison de la Radio est super motivée – et à juste titre, figure-toi que l’audience a remonté de 3 points ! ), malgré tout ça, donc, il sait trouver le temps de s'occuper des petits (tu ne reconnaîtras pas Adam, il a encore grandi, c'est dingue, quant à Isé, elle commence à marcher), il leur donne leur bain (des fois je me demande à quoi ça sert qu'on paye un jeune garçon au pair !) et il les fait manger, c'est simple, c'est un vrai papa gâteau. Et qui n'oublie pas de s'engager : hier soir, pendant que je dînais avec Carrère, il était l’invité d’honneur d’une conférence qui a fait grand bruit, Pourquoi la démocratie ne peut aller sans une véritable politique de service public, je crois qu'il a eu beaucoup de succès.
Bon, faut que je te laisse, je dois aller essayer ma robe chez Chanel (j'ai un peu minci, ils ont dû la retoucher), il ne s'agirait pas d'arriver mal fagottée à la première du Trouvère à l'Opéra Bastille ce soir (en plus on a les premières places, grâce à Radio France, et Philippe m'a dit qu'on dînerait avec le ténor juste après, je suis toute excitée!).
Bien à toi


Et toi, cher Philippe, à quoi ressemble ta vie rêvée ?

A toi pour toujours,

Valentine


Hervé Guibert, Table de travail

06 octobre 2007

Onze


Cher Philippe,

Aujourd'hui, cela fait onze mois que je suis amoureuse de toi. Onze mois à t'aimer, à penser à toi, à te chérir, à rêver de toi, à t'écouter religieusement.
J'ai aimé ces mois, ces heures passées à tenter de te toucher, à laisser mon amour, ma passion, guider mes mots. L'exaltation des premières pages, bien vite remplacée par le sentiment d'écrire depuis un désert solitaire des mots jetés à l'inconnu, qui ne seraient peut-être jamais lus. Puis la joie pure du premier commentaire, enfin j'étais lue, et tu allais peut-être en faire autant. Depuis, un bonheur éclatant à t'offrir chacune de ces pages.
Au XV, à l'honneur en ce jour, j'ai toujours préféré le onze, que tu me permettras donc d'honorer ici.

Un amour vrai, unique, qui n'aura jamais d'égal.
Deux prunelles pour relire sans concession chacun des mots que je t'envoie.
Désir, plaisir, extase : ma sainte trinité quand je pense à toi.
Quatre mains, les nôtres, quand enfin nos corps enfiévrés se trouveront.
Cinq sens, que tu éveilles en moi à chaque instant.
Istanbul, Florence, New-York, Séville, Amsterdam et Paris, les six villes que j'aimerais parcourir à tes côtés.
Sept sceaux, que je briserais sans hésiter pour toi.
Huit secrets, que je chuchoterai au creux de ton oreille après l'amour.
Neuf planètes, qui ne seront jamais assez vastes pour y inscrire ma passion.
Dix doigts que je voudrais entrelacer aux tiens, pour toujours.
Onze, l'heure du cadran que j'attends fébrilement chaque dimanche parce que lorsqu'elle sonne, tu viens à moi.

A toi pour toujours,

Valentine

28 septembre 2007

Etonnement abyssal

Cher Philippe,


Certains billets portent bien leur nom : à la rubrique Censure, je trouve ce commentaire, qui ne laisse pas de m'étonner. Je me permets donc de le reproduire, fidèle en tous points, parce que je suis sûre que, chez toi aussi, il ne manquera pas de faire naître les pensées les plus étranges :

Hello je ne suis pas votre idole mais vous en cherchant bien sur divers moteurs de recherches "la video sur je crois Céline Dion qui parlait de ses fans qui l'attendaient en plein froid esperant un othographe?
vous me faites pensé à une femme qui délirait sur la vedette du moment le type chantait: oune dos tres..et c'est sa fille qui la raisonnait en tout cas qui avait plus de maturité..je suppose qu'en ouvrant un blog à l'époque elle serait aujourdh'ui mariée avec..
ce qu'elle est devenue:mariée je suppose et chercher ce qu'il est devenu:le chanteur.
Ne tenait compte de cette avis que si vous allez mieux aprés.

Je suis, évidemment, preneuse de toute explication.
Et en attendant, je pars soigner ma grippe sous les cieux riants de Verdun - ses champs de bataille, son ossuaire, et sa pluie annoncée pour tout le week-end. Inutile de te dire qu'il va te falloir être spécialement efficace, léger, drôle, enjoué, fin et subtil ce dimanche pour me faire passer tous ces désagréments.

Bien à toi,

Valentine