31 janvier 2007

Paris, capitale de la création ?

Cher Philippe,

Trois jours pour me remettre de cet épuisant week-end, il fallait au moins ça. Et pour trouver les mots pour t'en narrer par le menu les édifiantes leçons.

Le salon Maison & Objet, car c'est là que j'étais, c'est un peu la vie en raccourci : le matin, une foule compacte se presse dans le RER et s'en déverse comme un torrent, pour investir ce lieu qui, le reste du temps, n'est rien d'autre qu'une immense suite d'entrepôts métalliques et sans âme. Quiconque a déjà fréquenté le Parc des Expositions de Villepinte pendant un montage comprendra de quoi je parle. Malgré cela, les jours de salon, on se croirait à la Défense. Une petite ville, où s'apprêtent à fourmiller des milliers d'individus. Sauf que cette ville soudain sortie de nulle part, et vouée à y retourner, fonctionne pendant quelques jours avec ses propres codes, ses règles, et ses autochtones.

Ses codes : là, rien n'a la même valeur qu'ailleurs. Là où dans la vraie vie, on peut espérer siroter un Pepsi dans un café pour moins de 3 euros, à Villepinte, les jours de salon, les bulles yankee décollent en flèche. Et ça vaut pour tous les items, comme ils disent, d'où qu'ils viennent. Dans les bars, chez les traiteurs qui fournissent les fourmis qui bossent (le catering, comme ils disent), dans le seul Shopi du parc, tout a des airs de passage à l'euro : tu sais bien, le tour de passe-passe qui fait que 100 francs = 20 euros, et qui nous a tous bluffés.
Ainsi, à Villepinte, c'est un peu comme si une nouvelle monnaie circulait : le noveuro (NoE.), l'euro des publics captifs. On notera avec intérêt que ce noveuro, quoique clandestin, a de beaux jours devant lui, puisqu'on le retrouve souvent sur notre chemin - quiconque a fréquenté la BNF, a voulu se désaltérer dans une gare, manger dans un TGV, faire de l'essence sur une autoroute ou nager à la piscine Joséphine Baker entre le 1er juillet et le 1er octobre comprendra de quoi je parle.
L'autre particularité du noveuro, c'est qu'il a un cours variable, très variable, et qu'il ne redoute aucun serpent, fût-il monétaire. Ainsi, à Villepinte, durant les cinq jours du salon, 1 NoE. vaut approximativement 2 Eur. Dans le minuscule Shopi que j'évoquais, une canette de coca vaut 1 NoE. (2 eur.), et montera à 1.5 NoE. (3 eur.) en cas de canicule ou d'épuisement prochain du stock.
En somme, pendant ces cinq jours, Villepinte, c'est un peu une utopie capitaliste, une ville miniature où régnerait une concurrence libre et non faussée, un rêve de Jean-Marc Sylvestre. Pour preuve, de nouveau ce fameux Shopi qui m'a beaucoup marquée. 5 mètres carrés, un décor à la Bucarest 1972 et un inventaire à la Prévert : fusibles, eau minérale, tournevis, bouilloire électrique, dosettes Nescafé, serviettes en papier, ampoules de toutes sortes, crakers, sucre en morceaux emballés, acétone en bidon de 5 litres, peinture blanche, scie-sauteuse, flûtes à champagne. La réponse du berger à la bergère, ou si on préfère, de l'offre à la demande. Mais de Granola, par exemple, ou de dentifrice, point. Parce que personne ne risque, sur un stand, de manquer de Granola ou de dentifrice au point d'être prêt à sacrifier toutes ses éconocroques pour en trouver, si bien que ça ne sert à rien d'en vendre.
Finalement, pendant ces cinq jours, seuls les fumeurs se réjouissent : une fois dans l'année, ils ont l'impression que leurs clopes coûtent que dalle.

Ses règles : Villepinte a sa monnaie, elle a aussi ses lois. Qui consistent essentiellement, n'ayons pas peur de le dire, à s'asseoir avec satisfaction sur celles qui règnent en dehors de cet îlot extéritorial - quiconque a déjà vu passer une voiture du Corps Diplomatique comprendra de quoi je parle. Oh, bien sûr, à Villepinte, pas question de dégommer son voisin en toute impunité, non, ni de dépouiller son prochain (ça, le Shopi s'en charge), mais on pourrait y faire sienne cette maxime : là-bas, la liberté des autres s'arrête où commence la mienne.
Autant dire que la civilité n'y règne pas en maître. Pourquoi diable, après tout, perdre du temps à saluer son prochain, a fortiori quand cette prochaine porte, inscrite sur son décolleté, sa courte jupe et ses bottes, sa raison d'être : servir des coupes de champagne ? Pourquoi encore se fatiguer à viser une poubelle pour se débarrasser des papiers gras qui dissimulaient les insipides nourritures payées une fortune, alors que les Pakistanais qui sillonnent en silence les longues allées recouvertes de moquette crasseuse les ramassent très bien où qu'ils tombent ? Pourquoi, enfin, ne pas bâtir un immonde tunnel en plexiglas qui relierait la sortie de la gare RER et l'entrée de chacun des halls, et y faire souffler de l'air chaud pour que les habitants de cette cité éphémère n'aient pas à souffrir des frimas de ce sale hiver, qui, comme chacun sait, n'est qu'un vilain?
Gageons qu'au salon de septembre, le même tunnel sera climatisé de frais.

Ses autochtones, enfin : évidemment, avec tout ce qui précède, tu en as déjà un tableau nauséabond. Mais ma rigueur intellectuelle m'oblige à finir ce que j'ai commencé. Figure-toi donc un monde grouillant de clones, mais divisés en deux entités à jamais distinctes : d'un côté, les vendeurs, sombre armée de cravates ou de talons qui pourrait te donner l'impression que tu es en train de passer ton week-end dans un séminaire de team-building de la BNP, de l'autre, les acheteurs, ou plutôt les acheteuses, qui vont toujours par deux, méchées de blond sans art, autobronzées à l'excès, et généralement bêtes à manger du foin. Les uns onctueux jusqu'à la nausée, les autres méprisants à vomir. Une bien belle bataille, en somme.

A l'issue de ce riant tableau, cher Philippe, je devine la question qui te brûle les lèvres : pourquoi me suis-je embarquée dans ce monde parallèle où, pour résumer, la seule panique qui aurait droit de cité serait celle des marchés ? Eh bien comme je te l'expliquai tantôt, c'est pour toi que je l'ai fait. Et ça a payé.
En effet, à voir passer tant de billets entre mes blanches mains, j'ai souvent eu l'impression ce week-end de me retrouver dans un jeu de Monopoly géant. Sentiment détestable s'il en est, mais au final, la chance m'a souri, et j'ai fini par tomber sur la case départ, et par toucher de quoi tricoter notre futur bas de laine. Mais si, tu sais bien, celui qui me permettra de t'entourer de tendres attentions jusqu'à la fin de nos jours - les miens s'arrêtant bien évidemment en même temps que toi, puisque, dois-je le rappeler de nouveau, la vie sans toi ne vaut pas d'être vécue.

A toi pour toujours,

Valentine

26 janvier 2007

Temps modernes

Cher Philippe,

Pour une fois, bien malgré toi, et presque malgré moi, ce dimanche, nous serons sur la même longueur d'ondes, même si, malheureusement, ce ne seront pas celles de France Inter. Car moi aussi cher Philippe, ce dimanche, je serai au charbon, et dès la première heure. Quoique je risque de beaucoup moins m'amuser que toi, puisque déguisée en potiche, je servirai des coupes de champagne à des gens très très riches pour essayer de leur refourguer des objets très très chers. Mais que veux-tu, c'est la triste contrepartie des négociations échouées. C'est le prix à payer pour une dot digne de ce nom, celle que je me ferai un plaisir de glisser dans la corbeille de notre douce union.

A toi pour toujours,

Valentine

Petite mort



Lasse, je me glisse entre les draps, le tissu frais au contact de ma peau nue me fait frissonner, je remonte la couette sur mes seins, et le vide m’apparaît. Je vais encore l’attendre, et une fois de plus, il ne viendra pas.

Il ne réchauffera pas mon corps, il ne me prendra pas doucement, ne m’attirera pas en lui, je ne me perdrai pas en lui, ne lui abandonnerai pas mes sens, mes pensées, mes rêves.

Régulièrement, j’étirerai mes membres, impatiente et alanguie, comme si une simple pose sensuelle allait le faire venir, pourtant je sais qu’il ne viendra pas.

Je me retournerai avec un soupir, et enfouirai mon visage au creux de l’oreiller, pour m’offrir à lui, pour qu’il vienne et me prenne, pour que soudain je le sente en moi, qu’il s’immisce en moi par surprise, qu’il fasse monter en moi cet état de semi conscience qui me conduirait à l’abandon, je me tortillerai encore, véritable appel à la délivrance, mais il ne viendra pas.

Je me redresserai sur le lit, je passerai une main fébrile sur ma joue, mon front, dans mes cheveux, puis sur ma poitrine oppressée, je l’appellerai de tous mes vœux, mais il ne viendra pas.

Ni cette nuit, ni la suivante, ni celles qui suivront.

Le sommeil, pour moi, ne viendra plus.

22 janvier 2007

Les 3 L


Cher Philippe,

C'est pas pour faire ma chieuse, mais quand même, un 21 janvier, tu aurais pu faire un petit effort : c'est pas tous les jours qu'on célèbre en même temps la mort d'un roi et d'un révolutionnaire, alors, des trois L, tu aurais pu ne pas choisir Londres...

Monday Morning Again

...vous tous derrière le poste, vous êtes de plus en plus nombreux à nous écouter le dimanche matin. Nous avons appris cette semaine que, désormais, vous êtes plus d'un million, nous, on n'en revient toujours pas"
Philippe Collin, France Inter, dimanche 21 janvier, vers 11h59.


Cher Philippe,

Entre nous, si tu nous l'avais demandé, on te l'aurait dit, nous, derrière le poste, qu'on était un paquet. Fidèles au poste. Et prosélytes avec ça, alors tu peux en être sûr, quand les prochains chiffres tomberont, on se sera encore multipliés comme des petits pains (anglais).
Et on aura raison, car entre nous encore, peux-tu me dire où on peut trouver sur les ondes autant de surprises que le dimanche matin sur Inter ? Tu peux me dire où je peux tout à la fois entendre une reprise de Cloclo en anglais, qui me remplit de joie, une raffarinade qui me déride, une brève foutraque sur nos amis les Anglais, le tout orchestré par ta douce voix ? Tu en connais beaucoup, toi, des radios, enfin des émissions, où je peux être sûre que, chaque semaine, j'en aurai pour mon plaisir ? Eh bien moi je n'en connais qu'une, et c'est la tienne.
Alors, surtout, surtout, ne lâche rien.

A toi pour toujours,

Valentine

PS : avec tes chiffres de cador, tu vas pouvoir obtenir une p... d'augmentation. Toi.

19 janvier 2007

4.1



Vous êtes allé(e) voir votre
CHEF DE SERVICE
Il était là. Il a répondu quand vous avez frappé.
Vous êtes entré(e). Il vous a dit de vous asseoir,
ce que vous avez fait.
Vous lui avez narré par le menu toute la délicatesse de votre situation économique et vous lui avez demandé une

AUGMENTATION

Tout à fait d'accord avec vous quant au bien-fondé de votre démarche, votre Chef de Service vous a signifié qu'une augmentation de salaire, dans le cadre de la vaste Entreprise dont vous n'êtes qu'un des innombrables éléments, posait des problèmes fort complexes engageant la totalité des services
comptables,
économiques,
financiers,
et responsables.
Il vous a néanmoins fortement promis d'appuyer votre revendication et vous a laissé entendre qu'une réponse favorable pourrait vous être donnée dans un délai qu'il a, plus ou moins arbitrairement, fixé à 6 MOIS. Vous attendez donc 6 mois
et au bout de 6 mois

Ou bien
vous avez obtenu une augmentation et, dès lors, il n'y a plus de problèmes,

ou bien
vous n'avez pas obtenu votre augmentation, et tout reste à re-com-men-cer.
En allant voir votre Chef de Service
En attendant son retour dans le couloir
[...]
Ou en faisant le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de la noble Entreprise à laquelle vous avez consacré, tout au long de votre vie, le meilleur de vous-même...



Voilà, cher Philippe, c'est toujours dans Pérec, et autant te dire qu'à présent, il va te falloir renoncer à m'aimer pour mon argent. Mais rassure-toi, je suis aimable par mille millions d'autres raisons, que je me ferais un plaisir de te dévoiler une à une (sauf le dimanche matin, parce que tu bosses).


A toi pour toujours,

Valentine

18 janvier 2007

Mektoub



1 • Vous avez mûrement réfléchi, vous avez pris votre décision et vous allez voir votre Chef de Service pour lui demander une augmentation.
2 • Ou bien votre Chef de Service est dans son bureau, ou bien votre Chef de Service n'est pas dans son bureau.
3 • Si votre Chef de Service était dans son bureau, vous frapperiez et vous attendriez sa réponse.
4 • Si votre Chef de Service n'était pas dans son bureau, vous guetteriez son retour dans le couloir.
5 • Supposons que votre Chef de Service ne soit pas dans son bureau.
6 • En ce cas vous guettez son retour dans le couloir.


C'est le début de l'Augmentation de Pérec.
C'est aussi ce qui m'attend demain à la première heure.
Alors pense à moi, cher Philippe - qui sait, je finirai peut-être par être un bon parti ?

A toi pour toujours,

Valentine

SNCF

Hé hé.... !

Merci à Cha pour cette photo.

17 janvier 2007

Huit et demi


Cher Philippe,

Rassure-toi, huit et demi, ce n'est pas la note que je mettrais à ta dernière émission. Et pour cause, puisque mon i-tunes refuse de la télécharger - quand i-tunes pas content, lui toujours faire ainsi. Mais puisque nous étions piste aux étoiles dimanche, il m'a semblé judicieux de faire un petit détour par le cirque absolu que je vis en ce moment, le bordel, le foutoir, le grand n'importe quoi.
Rends-toi compte : plus une minute à moi pour t'écouter, encore moins pour t'écrire, quelques mots griffonnés sur un billet entre deux portes, des post-il plein la tête pour penser à te dire mille choses :

- Nico et le cetnoeuftrente
- Pourquoi Isabelle Giordano est à Radio France ce que les sauterelles sont à l'Egypte : une plaie
- Ian MacEwan et le le syndrome de Clérambault
- Le vingtième arrondissement, et ses dix-neuf potes
- Jean-Pierre Vernant
- Marie-Georges Buffet m'a envoyé un mail, dingue, non?
- Comment demander une augmentation ?
- Collin
vs Bonnaud, bis.

Et encore mille autres choses que je ne saurais dire en si peu de temps. Bref, tu vois, il est temps que le cirque de mon esprit pose son chapiteau quelque part et n'en bouge pas avant longtemps, pour me laisser tout loisir de te raconter ce qui me passe par la tête, et te renouveler ainsi tout mon amour - cf. le syndrome de Clérambault, donc...
Et entre nous, j'adore l'idée d'être une mystique manquée, comme ils disent.

A toi pour toujours,

Valentine

15 janvier 2007

Alhambra

Cher Philippe,

Champagne
Cranberry
Liqueur de rose

Tels sont les ingrédients du fabuleux cocktail Alhambra que je dégustai en pensant à toi, hier, au Defender, le bar de l'Hôtel du Louvre.
Tu vois, j'avais manqué ton émission, et cependant mes pensées étaient pour toi.
Et je me réjouis à l'idée qu'un jour, nous partagerons un Alhambra de concert.

A toi pour toujours,

Valentine

13 janvier 2007

Tomorrow never knows

Cher Philippe,

Cela devait arriver.
J'entends déjà tes protestations, j'imagine ton trouble, je vois ta déception, mais c'est ainsi :

Demain, je n'écouterai pas ton émission
.

Oh, bien sûr, je la baladogistrerai, mais ce ne sera pas vraiment pareil. Je n'aurai pas ce petit frisson au moment où ta voix débarque dans mon oreille alors que je sors à peine des brumes du sommeil. Je ne me pelotonnerai pas sous ma couette en savourant la douceur de ce rendez-vous avec toi, rendez-vous fidèle et chaque semaine plus indispensable à mon coeur. Je ne rirai pas de tes bons mots, ni ne me réjouirai de les commenter plus tard ici même.
Non, vois-tu, demain, dès l'aube, à l'heure où Paris ne blanchira sans doute pas, je partirai. Mais pas à ta rencontre...
Alors j'espère, cher Philippe, que tu me pardonneras, et que tu comprendras que si je suis à toi pour toujours, je ne peux pourtant l'être à chaque instant...

A toi pour toujours,

Valentine

10 janvier 2007

Fallait pas m'énerver






Cher Philippe,

A cause de toi, et pour faire passer l'amère pilule que tu m'infligeas tantôt, j'ai compulsivement surcompensé au Printemps.

Surtout au rayon bottes.

Je suis donc ruinée, mais je ne suis plus fâchée, c'est l'essentiel, non?
Evidemment, si tu comptais m'aimer pour mon argent, c'est mal barré, mais bon...

A toi pour toujours

Valentine

09 janvier 2007

Il pleure dans mon coeur...




Et quand c'est l'heure de Philippe Collin de parler, il se passe un phénomène curieux , il y a tout à coup plein de jeunes femmes dans cette cabine qui travaillent toutes avec Philippe Collin et qui viennent l'entendre... parler.
F.B., Maison de la Radio, 9 janvier 2007, vers 17h23.

Non mais je rêve ? Comment ça, les filles de la radio te matent avec concupiscence pendant que tu fais ta chronique chez Bonnaud ?
Je ne peux pas y croire.
Imagine, je suis tranquillement en train de te baladoécouter en fignolant mon précédent billet quand ces mots inouïs parviennent à mon oreille. Aussitôt, je me trouve stupéfaite, pétrifiée de douleur, folle de rage. Mais alors que j'essaye à grand peine de retrouver mon souffle, et de remettre mon coeur à l'endroit, tu m'assènes le coup de grâce.
Oui, toi, toi que j'aime et à qui j'offre mes jours et mes nuits, toi à qui je construis ici un autel à mains nues, voilà ce que tu trouves intelligent d'ajouter à cet instant, de répondre à Bonnaud à propos de ces jeunes oies blanches qui caquettent autour de toi :

Je les adore

Bam! - claque dans la gueule, chute apoplectique, pamoison, puis fureur.

On nage en plein casus belli, Philippe. Et c'est avec une jalousie folle qui me ravage le coeur que je t'imagine rose d'émotion, lançant quelques oeillades enflammées à ces demoiselles, souriant aux unes, envoyant des baisers aux autres.
Alors, tentant en vain de chasser l'affreux sentiment qui m'envahit, je coupe le son, atterrée, et renonce à toute activité pour la soirée. Tant pis, je ne te dirai pas ce soir ce qu'évoque à mes yeux tel ou tel lieu parisien - et si c'était pour me faire taire sur ce sujet que tu as eu ce procédé terrible, permets-moi de te dire que c'est m'aimer bien peu, et bien mal. Fabrice, Julien ou Lucien, eux, n'auraient jamais fait ça.
Je ne t'écouterai pas non plus finir ta chronique et parler avec brio de ce vieux briscard de Fernandez, qui finirait par faire croire au monde que Port-Royal est un chef-d'oeuvre. L'ancien couvent dans le cinquième, sans doute, pour le reste, la RATP a fait mieux avec sa station de RER que Sainte-Beuve avec sa grosse plume pataude, c'est dire.
Enfin, je ne sortirai pas plus réjouir mes mirettes au fond d'une salle obscure, ni ne trouverai de consolation sur la banquette d'un café familier.

Non, ce soir, par ta faute, ni mes yeux, ni ma bouche, ni mes mains n'auront plus goût à rien.




18

Cher Philippe,

L'autre jour, alors que j'essayais de deviner où tu pouvais bien habiter, j'ai eu des mots un peu définitifs pour affirmer que tu habitais nécessairement dans le X, XI, XIX ou XXème arrondissement, et j'avais pour appuyer mon intuituion réglé leur sort à tous les autres coins de Paris. Or, je me suis rendu compte que :
1/ j'ai été très injuste avec certains arrondissements (enfin je dis ça uniquement pour le cas où tu habiterais dans l'un de ceux que j'avais descendus en flamme...)
2/ dans ma liste, j'ai oublié l'un des moins inconnus d'entre eux, celui de Reine et de Dreyfus, celui des vues les plus insensées de Paris et des escaliers les plus tuants, celui du repentir collectif incarné dans un gros gateau byzantin que je ne parviens pas à détester, bref, tu l'auras compris, le XVIIIème. Arrondissement, pas siècle, hein, ce dernier n'ayant vraiment aucun intérêt, et je le dis d'autant plus sereinement que là au moins, j'en suis sûre, tu n'y vis pas...
Enfin, pourquoi diable ai-je oublié ce quartier, alors que c'est l'un de ceux dans lesquels tu as le plus de chance d'avoir posé tes guêtres ? Peut-être pour m'obliger à me concentrer sur ce que j'aime et ce que je déteste dans ce haut lieu, comme je l'ai fait après avoir pris conscience de mon oubli. Toujours est-il que du coup, de fil en aiguille, j'ai eu envie d'en afficher ici la liste. Et puis tant qu'à faire, de livrer cette même liste pour chacun des dix-neuf autres arrondissements.
Rassure-toi, pas d'un seul coup, ce serait un peu indigeste, mais quand j'en aurai envie, dans l'ordre qui me fera plaisir, et tant pis si ce faisant, je m'éloigne un peu de mon sujet de prédilection, toi, mais il faut bien dire aussi que tu l'as cherché, à ne jamais me répondre comme tu le fais, il faut bien que je meuble.
Et puis entre nous, même si tu me répondais, je continuerais à dire ce que je veux. C'est ça aussi qui y est bien.
Alors à demain ou à tout à l'heure, pour le premier de la liste.

A toi pour toujours,

Valentine

08 janvier 2007

Happiness is a warm gun (yes it is)

Cher Philippe,

Ce matin je suis très très très ravie - comme le ravi de la crèche, mais plus - et j'ai décidé de te faire partager cette belle humeur. Pourtant, c'est le jour où mes vacances sont finies, et où je dois retomber dans l'écriture à la guimauve au kilomètre. Eh bien, même ça, ça ne m'atteint pas. Car vois-tu, j'en ai l'intime conviction, je sais que tu me lis. Parfois on se lève, et hop, certaines choses deviennent plus sûres que d'autres, et c'est ce qui m'est arrivé ce matin à ton propos. D'où ce sourire radieux qui ne me quitte plus.
Alors qui sait, peut-être que d'ici la fin de l'année tu finiras même par me répondre ?

A toi pour toujours,

Valentine

07 janvier 2007

Panique au Mangin Palace

Cher Philippe,


Comme je te le déclarais dans mon dernier billet, j'aurais aimé te fiche mon billet en devinant le thème de la Panique avant sa diffusion. Hélas, mon billet n'était pas gagnant : si, à l'approche des soldes, j'avais bien pensé aux Grands Magasins, mon imagination avait jeté un voile pudique sur l'état misérable de mon porte-monnaie en ces temps de disette. Bien joué.
Alors, comme à l'accoutumée, je t'ai écouté du fond de mon lit, et j'ai adoré ce nouveau délire total foutraque, d'autant plus que j'étais un peu frustrée des rediffusions de la semaine passée - bon, d'accord, tu as droit toi aussi à des congés, mais si tu pouvais faire en sorte que ça ne me prive pas trop, ça m'arrangerait.
Ce qui me conduit à une question qui me tarabuste un brin : quand on sera enfin unis par les liens sacrés du mariage, tu continueras la Panique, bien obligé. Or, il va y avoir comme une incompatibilité du dimanche matin parce que vois-tu, cher Philippe, moi le dimanche matin, j'aime bien rester au lit jusqu'à pas d'heure, ce qui n'est d'ailleurs pas sans rapport avec le fait que j'aime à me coucher aux petites aubes la veille. Mais toi, tu te lèves sans doute très tôt le dimanche. J'ai fait une rapide estimation, je dirais 7 heures : bon, déjà, il faut compter le temps du trajet jusqu'à la Maison de la Radio. Je ne sais pas encore où tu vis, mais deux ou trois certitudes m'animent, à savoir que tu es forcément dans un arrondissement où l'on vit, ce qui exclut d'emblée les arrondissements 1 à 8 et 15 à 17. Comme tu es sans doute rive droite - parce qu'à part quelques jeunes gens nostalgiques d'un temps désormais bien passé, qui vit rive gauche de nos jours? -, tu vis donc dans le 10, 11, 19 ou 20 (j'avoue, j'ai enlevé le 9 et le 12 parce que je ne les adore pas, mais je saurais me faire une raison le cas échéant...). Autant dire que tu vis à l'autre bout de Paris rapport à ton travail, et qu'il te faut une bonne heure pour t'y rendre en métro, surtout un dimanche, mais peut-être que depuis que tu te starifies, tu peux faire passer des notes de frais à FI, et que tu te payes le luxe d'aller travailler en taxi (pas très Pif Gadget tout ça!), ce qui ramène le temps à 30 minutes, surtout un dimanche. Dans le doute, je compte 1 heure, à laquelle j'ajoute une demi-heure de marge, pour être sûre, parce qu'il ne s'agirait pas que tu arrives en retard. Et puis si j'y pense deux secondes, tu n'arrives pas pour l'heure dite, mais bien avant, car tu as besoin de revoir tes fiches, de te rassurer en échangeant trois quatre vannes avec tes complices de toujours, de boire trois cafés et de fumer quatre clopes (ou d'engloutir quatre viennoiseries si jamais tu as arrêté de fumer). Ce qui nous fait : une heure de trajet, une demi heure de marge, une heure trente de préparation, donc tu dois partir au taf vers 8 heures. Si bien que tu devras te lever du lit conjugal vers 7h00, c'est bien ce que je disais. Et ça, ça risque de poser un vrai problème entre nous...



Mais pour cela aussi, je saurai être forte, et sacrifier Morphée sur l'autel de notre amour.


A toi pour toujours,

Valentine


Et demain ?


Cher Philippe,

On est dimanche matin très tôt, ou samedi soir un peu tard, je ne vais pas tarder à sombrer dans le sommeil qui me sépare de toi et de ta douce voix, et soudain j'ai l'envie de parier sur ce que j'entendrai dans une dizaine d'heures, ou plus si je ne m'éveille pas à temps. Serai-je socialiste ? Serai-je Don Quichotte ? Serai-je président Chirac qui se décide pour un énième mandat? Serai-je commissaire, Adamsberg en particulier? Serai-je grand magasin ?
Allez, j'aimerais être Adamsberg, mais je me contenterai bien d'être le rayon lingerie des Galeries Lafayette ou du Printemps...

A toi pour toujours,

Valentine

06 janvier 2007

Sacré corps

Cher Philippe,


Quelle ne fut pas ma surprise en achetant aujourd'hui Le Protocole compassionnel de découvrir sur la couverture une version d'une jeune créature éplorée radicalement différente de celle que je connaissais, et dont je m'étais d'ailleurs servie pour t'exprimer mes voeux pieux
Aussi ai-je eu envie de les juxtaposer afin qu'on mesure toute la distance et tout le sens apportés par le noir et blanc, et surtout par l'angle de vue de la photo. La première est une banale scène tirée du grand martyrologue chrétien - enfin c'est du moins ce que le titre nous invite à y voir, lui qui nous précise que cette créature éplorée est un certain saint Tarcise. Saint peu connu du panthéon, avouons-le, a fortiori sous la forme "Tarcise". En revanche, on en sait un peu plus sur Tarcisius, martyr adolescent du IIIème siècle, qui préféra mourir plutôt que de livrer aux hordes impies qui l'attaquaient la sainte hostie qu'on lui avait confiée. Ce qui se cache entre ces mains si jointes, ce serait donc une hostie. Sauf que dans le passage à la photo, cette scène sulpicienne et lacrymale prend une toute autre dimension. On n'y devine plus le corps du Christ caché entre ces mains, et on n'y voit plus que l'ultime offrande d'un corps adolescent, mortel et moribond, qui se délite en même temps qu'il séduit encore. Sans doute ce qui en a séduit d'autres avant lui, qui tirèrent cet obscur saint des limbes de la mémoire pour en faire le modèle des corps aimés, trop aimés, dont on ne se détache que dans la douleur. Et si tu ne me crois pas, va donc voir ce qu'un Falguière en fit, lui dont les statues du saint sont d'une sensualité assez déroutante.


Il ne me reste donc plus qu'à plonger dans le texte de Guibert pour comprendre si le choix des éditeurs de reproduire la peinture d'origine plutôt que l'interprétation photographique était légitime, ou si, comme j'en ai l'intuition, la convocation de ce modèle chrétien est une grossière erreur iconographique...
D'autres que moi s'en sont d'ailleurs émus avant moi, notamment El ogro terco

A toi pour toujours,


Valentine

Hervé Guibert, Le Protocole compassionnel, Folio.




04 janvier 2007

Le jeu des sept erreurs


Cher Philippe,

Je viens de relire des pages anciennes de ce blog, et donc enfouies dans des archives que tu n'auras peut-être jamais l'idée ou l'envie d'aller exhumer, or je m'aperçois que certaines d'entre elles sont parfois très pesantes, et soudain, l'idée que tu pourrais ne tomber que sur elles, et te méprendre sur moi, me glace d'effroi. Alors pour conjurer ce risque, j'ai imaginé deux mesures.
La première, que je répéterai régulièrement, est la suivante : Philippe, si tu débarques seulement maintenant sur ce blog, promets-moi d'aller voir aussi les pages



Ces pages t'en diront bien plus et te donneront une juste idée de moi. Et d'un point de vue purement personnel, je trouve qu'il serait dommage de les rater.
La seconde
, c'est d'introduire un peu de gaieté sur ce post grâce à la photo que tu peux y voir. Bon, le gars qui fait son kéké au centre d'une grappe de gommeux de la belle époque, tu l'as reconnu, c'est Proust. Et si tu ne l'avais pas reconnu, d'une certaine manière, c'est normal: dans ton esprit, Proust n'est pas un gars qui se la pète sur les photos en faisant semblant de jouer de la guitare avec une raquette de tennis.... Quand j'ai découvert cette photo pour la première fois, il y a longtemps, j'ai ri pendant dix jours d'affilée, et encore aujourd'hui, j'avoue que cet improbable cliché me réjouit fort. Lautréamont définissait le beau comme la rencontre d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection, je crois qu'on peut donc dire que cette photo est belle. Alors, pour prolonger cet effet joyeux, je te propose de jouer à présent au jeu des sept erreurs. Rappelle-toi, quand on était nains, c'était un jeu où il fallait trouver les différences entre deux images, généralement dessinées par un admirateur de Faizant, et il aurait fallu être soit très myope, soit très crétin, pour ne pas trouver les dites différences. Aujourd'hui, tu es peut-être myope, mais dans ce cas, tu portes des lunettes, alors on va modifier un peu les règles. A savoir : trouve dans cette image les détails improbables. A mon avis, il y en a bien plus que sept. Je t'en ai déjà donnés deux : Proust sur un terrain de tennis (première invraisemblance : on l'attend plutôt souffreteux au fond de son lit, ou se livrant à d'autres activités, toujours au fond de son lit), et Proust jouant de la guitare avec une raquette de tennis (en soi, ce point est un monstre d'invraisemblances à lui seul).
Il y en a plein d'autres, à toi de les trouver, et de me les proposer...

A toi pour toujours,

Valentine

03 janvier 2007

R.I.P.

En bonus, une autre version de la belle, plus folklorique.
Juste pour te rappeler que j'attends toujours avec envie, bienveillance et impatience les commentaires de tous ordres. Et qu'à défaut, la simple mention RIP., une fois de plus, me comblera de joie.
Lettres d'ailleurs d'autant plus d'actualité après l'histoire de l'Inconnue de la Seine...

"Ce n'est pas une femme, c'est une absence"
























Cher Philippe,

Une fois n'est pas coutume, commençons l'année avec ces mots d'Aragon à propos de l'une des énigmes les plus belles des derniers temps, celle de l'Inconnue de la Seine ou de la Vierge du canal de l'Ourcq, comme on la nommera selon qu'on préférera le modèle de Man Ray, en haut (1966), ou celui d'Albert Rudomine, à droite (1927).
Incroyable histoire que celle de cette femme, dont le cadavre fut, dit-on, repêché comme tant d'autres de la Seine, mais portant sur les traits le signe d'une beauté et d'une paix inouïes. On est fin XIXème, et le médecin légiste aurait, dit-on encore, trouvé le visage de la jeune fille si beau, qu'il aurait demandé à un mouleur d'en prendre la trace afin d'en faire un masque mortuaire, comme cela n'était pas rare à l'époque. Le mouleur en question ne manqua pas d'en commercialiser des tirages qu'il vendit dans sa boutique à nombre de curieux attirés eux aussi par cette incroyable icône. C'est là que Rilke le remarque lors de son premier voyage parisien en 1902, visage de la jeune femme noyée que l'on moula à la morgue, parce qu'il était beau et parce qu'il souriait, parce qu'il souriait de façon si trompeuse, comme s'il savait. Etrange image en effet que ce dernier portrait apaisé. Et puis à partir des années 20, ce moulage qui n'avait jusque là séduit qu'un petit nombre de connaisseurs va trouver un destin artistique plus que troublant, puisque, après bien d'autres et notamment Céline, Aragon s'en entiche, et publie Aurélien, dont le héros tombe amoureux de Bérénice le jour où il se rend compte qu'elle ressemble à l'Inconnue de la Seine, lorsqu'elle ferme les yeux.
Inconnue de la Seine dont le visage est alors peut-être moins connu par la circulation du moulage d'origine que par les étranges clichés qu'en fit en 1927 Albert Rudomine. Alors, peut-être aussi sous l'influence de ces compositions fascinantes, Aragon demande à Man Ray, dans les années 60, de donner à son tour plusieurs interprétations photographiques de la belle inconnue. Ce dernier en donnera quinze, dont celle que tu peux voir en haut de ce blog.
Il y aurait encore beaucoup d'autres fils à tirer de cette histoire de morte amoureuse, de noyée préservée, d'Ondine ou d'Ophélie moderne - beaucoup le furent d'ailleurs, mais ce n'est pas mon propos de te les rapporter ici. Pas plus que je ne déflorerai ici le mystère de l'identité de cette inconnue, ou de la réalité de sa noyade - non, pour ça, il faudra te débrouiller par toi-même si cela t'intéresse, ce n'est pas si sorcier. Mais dans ce cas, songes-tu fort légitimement, pourquoi est-ce que je te raconte tout ça ? Eh bien pour au moins deux raisons : la première, c'est que j'aime beaucoup cette histoire, cette légende, cette icône, cette jeune femme, et le destin qu'on lui réserva, et que chaque fois que je la retrouve sur ma route, comme par hasard ce soir en cherchant tout autre chose, je me plais à la donner à quelqu'un d'autre, pour qu'elle ne se perde pas. Tu étais donc la personne idéale.
La seconde tient à moi : tu as dû le remarquer, comme souvent quand je te promets quelque chose (du genre "la prochaine fois je te parlerai d'Hervé Guibert"), je ne le fais pas. De fait, malgré mon intention avouée d'évoquer dans ces lignes mes bilans, quelques listes et des résolutions, tu n'en sus jamais rien. Alors apprends ici que parmi ces résolutions, au demeurant peu nombreuses, figure en bonne place l'injonction de ne jamais perdre une occasion de se faire plaisir, accompagnée de sa loi absolue de renoncer à la justification permanente : dont acte.

Et puis enfin, cher Philippe, ces résolutions évoquées (je te parlerai plus tard si tu veux bien des deux autres plus importantes : susciter, rechercher et chérir toute occasion de boire du champagne, et apprendre à se traiter soi-même avec indulgence), je mentirais en n'ajoutant pas pour finir avec cette belle noyée, et avec les raisons qui m'ont poussée à te la donner à voir, que j'aimerais bien, un peu au moins seulement, te rendre curieux de moi comme tant d'autres le furent de cette belle inconnue : avec enthousiasme et créativité.

A toi pour toujours,

Valentine

PS: à tout seigneur, tout honneur, si cette histoire t'intéresse, outre les nombreux sites qui l'évoquent, je ne peux que te recommander chaudement l'article d'Hélène Pinet, L'eau, la femme, la mort. Le mythe de l'Inconnue de la Seine, paru dans le catalogue d'une exposition qui eut lieu en 2002 au musée d'Orsay, expo intitulée Le dernier Portrait.

02 janvier 2007

Trouvailles...

Cher Philippe,

Que cette année te doit douce, heureuse, à ta convenance, à ta guise, à ton aise, à ton goût, à ton rythme, à ta santé...
Et, bien sûr, puisse cette nouvelle année être celle de nos trouvailles

A toi pour toujours

Valentine