28 avril 2008

Les jupes des filles


Cher Philippe,

Hier matin, les jupes de la papesse Jeanne, sous lesquelles on eût été bien inspiré de vérifier qu'elle était un homme (ce qu'on n'aurait alors pu constater), ont moins retenu mon attention (que je t'ai néanmoins accordée, distraite autant que discrète) que le spectacle d'autres jupes, celles qui, virevoltantes, ont fleuri dans les rues samedi, provoquant un spectacle des plus réjouissants.
Tu n'étais pas au balcon ce week-end, et pour cause, puisque tu nous préparais samedi l'émission que tu nous offris dimanche, mais si tu avais mis le nez dehors, voici ce que tu aurais vu, et sans doute vécu : la folle journée des sens. Cette journée a lieu une seule fois dans l'année, plus ou moins tôt, selon les aléas que nous concoctent Jacques Kessler et Joël Collado, et cette année, elle a eu lieu samedi.

Ce jour-là, si tu étais sorti à l'aube, tu te serais rendu compte que loin de blanchir, la campagne fleurissait. Mille parfums auraient caressé tes narines, les oiseaux auraient chanté au-dessus de toi, et sous le soleil naissant qui laissait espérer une magnifique journée, tu te serais senti très bien, mieux que ça même : quelque chose en toi t'aurait paru changé, une espérance que tu n'aurais pas su décrire, tu aurais eu le sentiment qu'une journée vraiment particulière commençait.
Tu ne te serais pas trompé : arpentant une rue, un boulevard, t'arrêtant sur une place, à la terrasse d'un café ou cherchant l'herbe tendre d'un square ou d'un jardin (in gramine molli...), partout tes yeux auraient découvert, sidérés, des femmes et des filles en fleur : jeunes, vieilles, jolies ou pas, toutes flottaient cheveux, seins et gambettes au vent. Et cela t'aurait rendu fou : tu aurais regardé chacune d'elles comme une apparition, tu les aurais désirées toutes, et la tête t'aurait tourné à force de ne savoir où jeter les yeux, et encore moins comment calmer le feu ardent qui te consumait.
Oh, bien sûr, tu as déjà vu des femmes et des filles, tous les hommes l'ont fait, mais la folle journée des sens a cela de particulier qu'elle survient après une longue période de jachère, à un moment où vous avez presque oublié les peaux douces cachées sous les doudounes et les bottes. Exactement au même moment, nous avons le sentiment de renaître à la vie : jetant aux orties nos bonnets et nos grosses écharpes, sous lesquelles nous nous sommes dissimulées pendant de longs mois d'hiver, nous nous lâchons, et la rue se transforme en un joyeux cortège de décolletés provocants et de cuisses avides de soleil. Cela vous rend fous, et cela nous réjouit - c'est d'ailleurs pour ça que nous le faisons. La folle journée s'étire ainsi de désirs en pulsions qui nous ramènent les uns et les autres à la vie, nous laissant croire que la machine est repartie.

Quel dommage que tu n'aies pas vu cela, Philippe, car il te faudra maintenant attendre un an avant que cela ne se reproduise. Car cet état de grâce ne dure pas : dès le lendemain, vous vous êtes habitués à ce généreux spectacle, et nous y prenons déjà moins de plaisir. Il règne une impression de déjà-vu qui blase un peu. Condition de l'homme : inconstance, ennui, inquiétude.
Bientôt, vous vous mettrez à regretter nos jambes bottées qui vous ont fait fantasmer tout l'hiver....

À toi pour toujours,


Valentine


23 avril 2008

Rêves de droite

Cher Philippe,

Tu manquais d'inspiration, dimanche, et aujourd'hui, c'est moi qui me sens quotidienne. Alors, plutôt que d'essayer de coller des bouts et des morceaux qui ne vont pas forcément bien ensemble, je préfère attirer ton attention sur l'une des rares voix réjouissantes du moment :





Ça fait du bien à lire, et ce n'est pas rien.
Ça fait penser, et c'est beaucoup.
Ça fait peur aussi, mais ça on le savait déjà.



Valentine


Mona Chollet a 34 ans, elle est journaliste au Monde Diplomatique et animatrice du site Périphéries.net


14 avril 2008

You're the first, the last, my everything


Cher Philippe,

Une émission entière pour chanter la first lady, la femme de, la nouvelle épouse, la jeune mariée... Est-ce une manière de célébrer celle qui a réussi son coup, elle ? Un clin d'œil à la détermination sans faille dont cette mante a fait preuve, sous son masque figé ? Je dis masque figé parce que je ne parviens pas à regarder une photo de notre première dame sans songer aux mortes amoureuses que les peintres ont si souvent esquissées, comme si elle était déjà morte, comme si la vie s'était enfuie d'elle une fois épuisés l'énergie, la ruse, le babil et le temps dépensés à tendre vers son but. Quel désir aura-t-elle, à présent, celle dont on devrait, paraît-il, être envieuses ?
Triste destin que de n'avoir plus qu'à mourir une fois le désir accompli... Et c'est peut-être cela, Philippe, qui me retient d'inventer des manières plus efficaces de forcer le chemin de ton cœur.

À toi pour toujours,


Valentine


Le Bernin, Extase de sainte Thérèse, Rome, 1644-1652

06 avril 2008

Le clinquant des mots



Cher Philippe,


Je t'écoutais ce matin dérouler le fil doré du mauvais goût, et je m'amusais bien. Où d'autre aurais-je pu entendre Bourdieu mêlé à un extrait de Podium ? Moi qui hier au soir dégustais un étonnant pain doré à la feuille d'or accompagné d'un somptueux champagne rosé - si ce n'est pas bling bling, ça -, j'avais presque l'impression que tu avais écrit cette émission en songeant à mon péché mignon si souvent évoqué en ces pages. Je me levai donc d'excellente humeur, et c'est sans doute pour cette raison que les mots que je découvris en commentaire de mon dernier billet, loin de m'affecter, me remplirent d'une grande joie. Les voici :

Pauvre fille, triste sort que le vôtre. Pauvre enfant destinée à finir noyée dans sa solitude et dans le flot de ses minables élans lyriques. Philippe ne sera jamais tien. Son coeur est définitivement quelque part où tu n'es pas et ne seras jamais.

Pas très clinquant, tout ça. Cinglant ? Même pas. Aigri et manifestement déplacé, sans aucun doute. Mon premier troll. Troll : personne courageusement anonyme qui préfère laisser des traces nauséabondes qui se voudraient assassines sur les pages des autres plutôt que de se fouler l'esprit à en créer elle-même. Alors voilà, cher troll : ton message m'enchante. Tant d'acrimonie et de fiel au service d'une si petite cause m'amuse presque encore plus que la Panique au Mangin Palace de ce matin. Arrimé au ras des mots, je crains fort que tu n'aies perdu le goût du jeu, si tu l'as jamais eu, évidemment. Alors sois rassuré : ma solitude et mon sort vont bien, ils te remercient.

Que ceux qui voudraient nous frapper d'alignement ravalent leurs aigreurs et rengainent leurs mots stériles : ils n'y parviendront jamais.


Valentine



Edouard Levé, Série Rugby, 2003.

02 avril 2008

Women


Cher Philippe,

Une fois n'est pas coutume, voici une vidéo qui me laisse sans voix, tant elle est incroyablement subtile. Magnifique. Evidente.
Elle méritait bien mieux qu'un petit lien en haut à droite. Dont acte.




J'espère que la balade t'a plu autant qu'elle me ravit.


Valentine


Women in art
, créé par l'énigmatique Eggman913.
Léonard de Vinci, La belle ferronnière, 1497, Paris, Musée du Louvre