
Cher Philippe,
Si tu passes de bonnes vacances, si tu te la coules douce sur une plage proche ou lointaine, voici un petit conseil afin de ne pas gâcher tes dernières heures de farniente avant de te replonger dans le tourbillon de la maison de la Radio (pas mal atteinte, pendant les vacances, tu ne la reconnaîtras pas) : ne lis PAS
Marilyn, dernières séances, de Michel Schneider. Je sais, ça a l'air bien, ça donne envie de découvrir la réalité des rapports de la blonde et de son psy - même si, comme moi, on n'a jamais vu un film avec Marilyn et qu'on n'a nullement l'intention d'en voir un -, bref, nos non-amis du marketing ont bien fait leur boulot pour favoriser notre
acte d'achat. Sauf qu'à l'évidence, et comme souvent dans les services marketing des boîtes d'édition, et je sais de quoi je parle, ils n'ont jamais lu un livre. Car s'ils l'avaient lu, ils sauraient que ce livre, outre qu'il est écrit avec le pied, n'est ni fait ni à faire.
Certes, pour quiconque aurait envie de sauter d'anecdotes avortées en pseudo révélations croustillantes, cela pourrait constituer une bonne occupation. Mais vite saoûlante, sans compter que la lecture de
Voici est sans doute plus efficace dans cette optique. Mais si jamais tu pensais pouvoir passer un bon moment de lecture, agrémenté d'une plongée dans l'âme noire de la blonde et dans la relation
insane qu'elle entretint avec son psy, tu en seras pour tes frais.
Un exemple de ce que tu n'y liras pas, car je suis sûre que tu entendras mon conseil :
Los Angeles, la cité des anges, était devenue la cité des rêves. La rencontre de Roméo Greenschpoon devenu Ralph Greenson [son psy, donc], et de Norma Jean Baker alias Marilyn Monroe, ne pouvait avoir lieu qu'à Hollywood. [...] C'est là que la psychanalyse et le cinéma vécurent leur liaison fatale.( p.28)
Eh bien, vois-tu, à mes yeux, cette manière de ne nous épargner aucun cliché, de tirer des généralités de rien, et de se placer dans la position supérieure de celui qui a bien compris les desseins des uns et des autres, celui qui maîtrise les destins et saura nous les dévoiler, si on est sages, cette manière de faire, de dire et d'écrire me fait vomir. Je crois bien que c'est tout ce que je déteste, et en lisant ces pages (je suis quand même allée jusqu'à la page 150, j'espérais sincèrement que cela allait s'arranger), je n'ai pu m'empêcher de penser à la biographie que Daniela Lumbroso a osé écrire sur Françoise Dolto. Je ne l'ai pas lue, mais je l'ai entendue en parler, face à toi, d'ailleurs, et ensuite j'en ai lus quelques extraits, et c'est exactement ça : une construction bâtarde, servie par une écriture à la fois prétentieuse et insipide et par un ego qui joue au démiurge - et s'y perd. N'est pas Houellebecq qui veut.
Quant à Marilyn, les photos de Stern permettent sans doute bien mieux d'en approcher un visage inédit.
Voilà. Et puis sinon, sur les conseils des uns et des autres, j'ai fini par lire
Je l'aimais de Gavalda, et vraiment, malgré toute ma bonne volonté,
je ne l'aime pas. Les 30 premières pages sont époustouflantes, et puis on tombe dans un mélo mal écrit et systématique, prévisible et souvent plat. C'est dommage, d'ailleurs, vu le début, qui m'a pas mal fait penser à Fargues, en effet.
Pour finir, donc, une citation de la
Théorie quantitative de la démence, de Will Self, qui a le don de me réjouir, ivre ou pas :
Il n'y avait personne dans l'immense pavillon, à part lui, moi et une gouvernante âgée, Mme Hogg, une femme tellement portée sur le fatalisme calviniste qu'elle pouvait regarder béatement une poularde s'enflammer dans le fourneau sans songer à régler le feu.A toi pour toujours,
Valentine