
Cher Philippe,
Alors, pour fêter le passage à l'année que tu sais, et pour laquelle je forme les vœux les plus tendres, je te laisse la parole :
Philippe Collin, des livres, des films, du champagne, et un rien d'érotisme : tout ce qui donne envie de se lever le matin et de ne pas se coucher le soir...
À toi pour toujours,
Valentine
Cher Philippe,
Exaltée, je me redressai dans mon lit et prononçai à voix haute le deuxième de mes vœux.
Et voici ce qui arriva :
Aussitôt, l’état d’urgence fut décrété, et les Français découvrirent bientôt que, Nicolas Sarkozy disparu, la France était livrée à elle-même. Les membres du gouvernement furent bien forcés d’admettre qu’ils n’avaient été recrutés que pour donner le change, et qu’ils n’avaient aucune idée de la manière dont ils pourraient gouverner le pays, à présent que leur mentor n’était plus. Dans un bel élan de solidarité comme on n’en avait plus vu depuis longtemps, les députés décidèrent eux-mêmes de dissoudre l’Assemblée, dont la composition abracadabrantesque sautait désormais aux yeux et ne s’accordait pas avec l’ardeur démocratique, qui, au même moment, s’élevait en grondant à travers tout le pays.
Partout, dans les villes et les campagnes, on assistait au même spectacle réjouissant : main dans la main, les citoyens s’attaquaient à la chape de plomb réactionnaire qui avait failli tuer dans l’œuf le contrat social, et réclamaient le retour à l’ordre républicain, le vrai. Ceux des médecins qui, depuis quelques années, avaient eu la fâcheuse habitude de confondre la santé publique avec une poule aux œufs d’or, ceux qui avaient refusé de soigner les bénéficiaires des minima sociaux, étaient reconduits aux frontières vers les el dorado qu’ils avaient tant aimé prendre en exemple. Les autres, la grande majorité, rassemblés derrière Martin Winckler et Patrick Pelloux, redessinaient la carte de France de la santé, décrétée d’absolue utilité publique, au même titre que l’énergie, le logement, l’éducation et les transports. Un nouveau parti émergea rapidement à partir des réseaux dormants de la résistance républicaine et démocratique, et bientôt, de nouvelles élections furent organisées.
L’UMP ne put présenter aucun candidat, décapité qu’elle était par la mort de son chef qui avait été enterré à la hâte au cimetière de Neuilly – les protestations de quelques hurluberlus réclamant que leur chef fût enseveli avec les honneurs en un lieu à sa taille furent balayées d’un revers de main, et en fait de sarcophage monumental aux Invalides, Nicolas Sarkozy eut droit à une dernière demeure exactement à sa mesure, 1m 67. Au PS, l’incapacité des éléphants à s’accorder sur un candidat en moins de cinq ans priva ses membres, peu nombreux il est vrai, de représentation, et l’élection fut remportée sans aucune difficulté par le nouveau parti qui venait d’émerger, nommé le Fil RSS, le Fil de la République Sociale et Solidaire.
Le Fil RSS avait la particularité d’être dirigé collégialement, et ce fut donc un collège de sages qui s’installa à l’Elysée, parmi lesquels siégeaient toutes les personnes de bonne volonté susceptibles de renouveler le contrat social en assignant à l’Etat la mission première et inaliénable de garantir à tous l’égalité, la liberté, et la solidarité.
Ce qui fut fait.
A suivre…
Portrait
Philippe Collin, 33 ans. Depuis le temps que ses imparables saillies nous font rire sur France Inter, on aurait presque l’impression de le connaître par cœur. Erreur : derrière le trublion se cache un vrai séducteur.
Philippe Collin nous donne rendez-vous au Zebra Square, juste en face de la Maison de la Radio. Ils se la pètent un peu, nous prévient-il au téléphone, mais ça a l’avantage d’être tout près. Il a raison. On a juste le temps de s’installer qu’on le voit débarquer, tout sourire et les cheveux en bataille, et on tombe sous le charme. On le lui dit, il rit, avant de répliquer qu’on n’a encore rien vu, et qu’on sera fou amoureux au moment de se quitter, ça fait toujours ça. Nous, on attend de voir, mais on est d’accord sur le principe. Justement, des amoureuses, il doit en avoir beaucoup, non ? Cette fois, le sourire se fait plus poli, ferme : si on parlait plutôt de son travail ? OK.
Presque cent émissions de la Panique au Mangin Palace au compteur, comment fait-il pour garder le rythme ? Pour se renouveler ? Pour rester incisif, et drôle ? La faute aux autres, il paraît. Faut dire qu’il l’aime, sa bande de doux-dingues. Ne les remercie-t-il pas chaque semaine à l’antenne, les Mauduit et consort, sans qu’on n’ait jamais l’impression qu’il se force ? Mais quand même, on insiste, c’est bien lui le chef, non ? L’instigateur ? Ça a l’air de le faire marrer, cette formule. C’est le genre de trucs qu’on peut penser de l’extérieur, mais entre nous, ça n’a jamais fonctionné comme ça. C’est plutôt comme une grande cour de récré, on s’amuse tous à des trucs différents, et puis quand l’un des jeux prend le dessus, tous les autres viennent s’y greffer, parce que c’est là que ça se passe. On mutualise les vannes et les idées, en fait.
Un phalanstère fouriériste, en somme – pas étonnant, c’est du vrai service public. Bon, et ce numéro cent, le 23 décembre, on doit s’attendre à quoi ? Le regard se met à pétiller, et cette fois, on fond littéralement. Si je vous le disais, ce ne serait plus une surprise. Trop facile, Philippe. Y’aura des paillettes ? Des filles nues (super radiophonique) ? Des invités surprise en studio ? Des fans ? Quelque chose nous dit qu’on touche un point sensible. On s’est laissé dire que Bonnaud pourrait venir faire un tour pour la centième, vous confirmez? Petit sourire mystérieux, vous verrez bien. Et les rumeurs sur la venue d’une certaine Valentine, info ou intox ? Cette fois, une petite moue agacée remplace le sourire : on avait dit qu’on ne parlait pas de ma vie privée.
Message reçu. En tout cas, le 23, on sera derrière notre poste, promis juré.
Sinon, un anticyclone nous donne un franc soleil, mais pas la canicule quand même, hein, et comme les piscines sont désormais ouvertes 24/24, c'est bien pratique - d'autant que les lignes sont limitées à 5 nageurs, et qu'avec mon ancienneté, j'ai eu une carte tout de suite. Du coup, hier, je suis allée nager, et j'ai profité des services de massage gratuits à la sortie (c'est pas mal, ça, ça détend bien), et après j'ai dîné avec Emmanuel Carrère qui a un projet à me proposer - je ne t'en parle pas plus, c'est un peu confidentiel, moi-même, quand j'ai trouvé son message sur mon répondeur, j'ai d'abord cru à une erreur. C'est sans doute Jean-Paul Dubois ou Olivier Adam qui lui auront parlé de moi.
Bref, avec tout ça, j'ai pas trop de temps à moi, tu l'imagines, mais Philippe est génial, comme toujours : malgré toutes ses responsabilités à Radio France (il vient d'être nommé chef du nouveau service culturel sur France Inter, c’est beaucoup de boulot, mais il adore. D’autant que depuis que Frédéric Bonnaud, le nouveau président de France Inter, a réorganisé la grille et viré tous les éléphants qui plombaient l’antenne, toute la maison de la Radio est super motivée – et à juste titre, figure-toi que l’audience a remonté de 3 points ! ), malgré tout ça, donc, il sait trouver le temps de s'occuper des petits (tu ne reconnaîtras pas Adam, il a encore grandi, c'est dingue, quant à Isé, elle commence à marcher), il leur donne leur bain (des fois je me demande à quoi ça sert qu'on paye un jeune garçon au pair !) et il les fait manger, c'est simple, c'est un vrai papa gâteau. Et qui n'oublie pas de s'engager : hier soir, pendant que je dînais avec Carrère, il était l’invité d’honneur d’une conférence qui a fait grand bruit, Pourquoi la démocratie ne peut aller sans une véritable politique de service public, je crois qu'il a eu beaucoup de succès.
Bon, faut que je te laisse, je dois aller essayer ma robe chez Chanel (j'ai un peu minci, ils ont dû la retoucher), il ne s'agirait pas d'arriver mal fagottée à la première du Trouvère à l'Opéra Bastille ce soir (en plus on a les premières places, grâce à Radio France, et Philippe m'a dit qu'on dînerait avec le ténor juste après, je suis toute excitée!).
Bien à toi