13 octobre 2007

Second life


Cher Philippe,

Un mien ami exilé au bout du monde m'écrivait l'autre jour et me demandait comment la vie allait, à Paris. Voici ce que je lui répondis :

Quand je pense à tout ce que tu rates ici ! Le champagne coule à flots dans les rues, les filles dansent nues dans les cafés, les entreprises, le métro, Sarko vient de proclamer les 8 heures, désormais, nous ne travaillons plus qu'un jour par semaine (moi j'ai choisi le dimanche, comme ça je suis payée double), la vaste entreprise qui m’emploie vient de me nommer à la tête d'une nouvelle collection de réédition de textes rares - on prévoit un lancement très haut de gamme, sur papier bible, mais à des prix abordables. L’édition de ma thèse vient d'être retenue pour le Nobel de la recherche, et mon roman, que j'ai achevé depuis ton départ, est bien placé pour le Goncourt (mais c'est vrai que ça m'a fait très plaisir de recevoir le Renaudot).

Sinon, un anticyclone nous donne un franc soleil, mais pas la canicule quand même, hein, et comme les piscines sont désormais ouvertes 24/24, c'est bien pratique - d'autant que les lignes sont limitées à 5 nageurs, et qu'avec mon ancienneté, j'ai eu une carte tout de suite. Du coup, hier, je suis allée nager, et j'ai profité des services de massage gratuits à la sortie (c'est pas mal, ça, ça détend bien), et après j'ai dîné avec Emmanuel Carrère qui a un projet à me proposer - je ne t'en parle pas plus, c'est un peu confidentiel, moi-même, quand j'ai trouvé son message sur mon répondeur, j'ai d'abord cru à une erreur. C'est sans doute Jean-Paul Dubois ou Olivier Adam qui lui auront parlé de moi.

Bref, avec tout ça, j'ai pas trop de temps à moi, tu l'imagines, mais Philippe est génial, comme toujours : malgré toutes ses responsabilités à Radio France (il vient d'être nommé chef du nouveau service culturel sur France Inter, c’est beaucoup de boulot, mais il adore. D’autant que depuis que Frédéric Bonnaud, le nouveau président de France Inter, a réorganisé la grille et viré tous les éléphants qui plombaient l’antenne, toute la maison de la Radio est super motivée – et à juste titre, figure-toi que l’audience a remonté de 3 points ! ), malgré tout ça, donc, il sait trouver le temps de s'occuper des petits (tu ne reconnaîtras pas Adam, il a encore grandi, c'est dingue, quant à Isé, elle commence à marcher), il leur donne leur bain (des fois je me demande à quoi ça sert qu'on paye un jeune garçon au pair !) et il les fait manger, c'est simple, c'est un vrai papa gâteau. Et qui n'oublie pas de s'engager : hier soir, pendant que je dînais avec Carrère, il était l’invité d’honneur d’une conférence qui a fait grand bruit, Pourquoi la démocratie ne peut aller sans une véritable politique de service public, je crois qu'il a eu beaucoup de succès.
Bon, faut que je te laisse, je dois aller essayer ma robe chez Chanel (j'ai un peu minci, ils ont dû la retoucher), il ne s'agirait pas d'arriver mal fagottée à la première du Trouvère à l'Opéra Bastille ce soir (en plus on a les premières places, grâce à Radio France, et Philippe m'a dit qu'on dînerait avec le ténor juste après, je suis toute excitée!).
Bien à toi


Et toi, cher Philippe, à quoi ressemble ta vie rêvée ?

A toi pour toujours,

Valentine


Hervé Guibert, Table de travail

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Valentine,

J'adore, c vraiment marrant....
ms où trouves-tu l'inspiration qui renouvelle sans cesse tes écrits, qui nourrit ton amour?
Ah Philippe.. ton impertinence à des retombées inespérées, ça doit qd même faire bizarre d'être la muse d'un écrivain en herbe (ou pas)...

salut la France..

Valentine a dit…

Les mystères de l'amour, sans doute... :)

Anonyme a dit…

J'adore aussi et du coup, je cherche, juste parce que ça m'amuse et que c'est impossible, je cherche et j'essaie d'imaginer qui pourrait bien se cacher derrière cette étonnante déclaration d'amour et d'humour. Il y a bien une Valentine écrivain dont on parle en ce moment. En plus elle est née dans les mêmes années que toi et chez elle l'amour rêvé n'est pas gagné d'avance non plus.Mais bien sûr ce serait trop simple...
En tous cas je te lis "comme un roman" et ça produit chez moi les mêmes effets : des connexions et des réminiscences se mêlent. Ce soir, les miennes me renvoient à un passage de "la double vie de Véronique" de Kieslowski pour le jeu de piste romantique et à une déclaration d'amour que j'ai faite quand j'avais 20 ans sous forme de pastiche de Desproges.