31 octobre 2007

34



Cher Philippe,

Demain, il faudra que je change l'intitulé de ma déclaration, car je cesserai, à minuit et quart, d'avoir l'âge du Christ.
Finalement, ça ne s'est pas trop mal passé.
En revanche, je suis toujours loin d'avoir accompli les fabuleux exploits d'Alexandre, même si t'aimer si fort, et te le dire, a pu avoir, parfois, quelque chose de l'exploit...
Enfin voilà, demain, c'est la Toussaint, et j'aurai 34 ans : comme tous les ans, je commencerai sans doute ma journée par une visite aux cimetières, et puis je boirai du champagne en pensant à toi. En souhaitant que, peut-être, tu te décides à m'offrir le cadeau dont je rêve en me faisant signe...

A toi pour toujours,

Valentine

28 octobre 2007

Mieux est de ris que de larmes écrire

Cher Philippe,

Tu ne rêves pas, c'est bien moi qui ris sur cette page. Je te mentirais en disant que cette photo fut prise pendant la Panique de ce matin - non qu'elle n'ait été réussie, au contraire, elle fut particulièrement riche en ©ollinades. Mais voilà, ce rire, il n'était pas pour toi : quand je fus prise ainsi riant, je ne t'aimais pas encore. Je te connaissais, bien sûr, et sans doute l'amour que j'allais te vouer avait déjà pris le chemin de mon cœur, mais il était loin de la passion qui m'anime à présent.
Pourtant, c'est bien en me faisant rire que tu m'as séduite, et que tu continues à entretenir ma flamme, peut-être malgré toi. C'est comme cela que ce matin, je me suis retrouvée à écouter avec une attention toute particulière les dernières minutes de l'émission, attendant, attendant que le rire médétongnonesque te reprenne, comme il t'avait pris la semaine dernière. Car comment aurait-il pu ne pas te reprendre?
Je t'imaginais très bien : l'émission était presque finie, tu t'en étais très bien sorti, ne restaient donc que les remerciements traditionnels, une minute à peine et ton week-end commencerait. Sauf que voilà, tu savais très bien aussi, par cette espèce d'étrange pensée de derrière qui nous ramène à ce qu'on préférerait oublier, qu'à la fin de cette minute, tu allais devoir prononcer le nom de "She-Who-Must-Not-Be-Named", Elise Médétongnon, documentaliste de l'INA.
La semaine dernière, ça s'était soldé par un fiasco, à peine avais-tu réussi à aligner les syllabes maudites que le rire s'échappait de ta bouche, incontrôlable, et communicatif : derrière mon poste, je ressemblais alors trait pour trait à la photo du jour. Tu t'en voulais, tu savais que c'était injuste, qu'Elise ne méritait pas tant d'indignité, mais c'était bien plus fort que toi, et les trente dernières secondes de l'émission te parurent longues, très longues. Sans parler des excuses que tu te sentis obligé de présenter ensuite à la demoiselle (lui envoyas-tu une lettre, à Elise?), et qui te coûtèrent encore plus, parce qu'en les prononçant, tu sentais renaître en toi l'affreux rire de l'idiot. Bref, un terrible moment, mais qui allait te faire bien rire à chaque fois que tu y repenserais, en privé, de ces petites pensées qui réjouissent quand elles ressurgissent quand on ne s'y attend pas. Quand on ne s'y attend pas, c'était bien tout le problème, car ce matin, tu t'y attendais, et nécessairement, tu redoutais cette minute, cet instant où tu allais devoir y passer.
C'était du moins ce que je croyais. Aussi attendais-je avec une joie croissante la fin de la litanie, croyant percevoir ça et là des faiblesses dans ta voix, qui auraient trahi le rire montant. Tes circonvolutions ne dupaient personne : je savais bien, moi, que si tu passais tant de temps à remercier ton stagiaire Olivier Ferry, c'était pour repousser le moment de vérité, et je riais déjà, me réjouissant de ce qui allait suivre.
Et patatras !
Aujourd'hui, Elise avait été remplacée par Jennifer Gillot.
Adieu veau, vache, cochon, couvée : ton rire n'illuminerait pas ma journée. Un odieux soupçon, en revanche, vint le remplacer : mon amour, tu n'aurais quand même pas remercié Elise pour ne pas avoir à prononcer son nom ? Je ne t'en aimerais pas moins, sache-le, mais tout de même, cette pauvre Elise, remerciée parce qu'elle ne pouvait entrer bien dans les remerciements, ne méritait sans doute pas ça.


A toi pour toujours,

Valentine



21 octobre 2007

Trop vieille pour toi ?

Cher Philippe,

Sans doute suis-je en train de vieillir prématurément. Peut-être ne te mérité-je pas, au fond. Car voilà : cela fait plusieurs fois, ces dernières semaines, que je m'endors en t'écoutant.
Tu le sais, j'aime t'écouter sous ma couette le dimanche matin : même les jours où, prise d'un élan sarkozyste, je me lève tôt, je me recouche vers 11h02 avec un thé fumant, prête à t'accueillir avec joie. Tu te mets à parler, dans ma tête je récite avec toi les mots immuables que je connais par cœur, comme une prière, et l'émission commence. Je suis bien, bonjour à toi l'ami. Je découvre le sujet du jour - sauf pour les cas où j'aurais cédé à la tentation d'obtenir la clef du mystère dans mon magazine du mercredi. Ce matin, les vieux. Après tout, pourquoi pas ? J'attends alors la première ©ollinade, qui ne tarde jamais, puis je me laisse emporter par ta voix.
Trop emportée, peut-être. Première alerte : vers 11h32, je sens mon attention flotter. Tu parles, tu parles, et moi, de l'autre côté du poste, je rêvasse. Jeanne Calment a connu les funérailles nationales d'Hugo... Je passe dans ma tête les événements que j'ai connus - deux nouveaux papes, le mariage et la mort de Lady Di, la coupe du monde de 98, le 11 septembre, l'éviction de Bonnaud des ondes France Inter, l'enterrement d'un roi de France (si si, je t'assure, le transfert du cœur de Louis XVII à Saint-Denis, en 2005, j'y étais...) Ça y est, j'ai perdu le fil, et je me force à revenir à toi. Voulez-vous danser grand-mère, mon Dieu, c'est affreux, je connais les paroles par cœur... Mes grands-parents, morts depuis longtemps, font irruption dans ma chambre, et une jolie tristesse m'envahit. Heureusement, les VRP me réveillent, j'avais quel âge, déjà ? On jouait au tarot en buvant des martinis et en écoutant les VRP en boucle. C'est loin, très loin... Le rêve reprend, et cette fois, je ne peux plus l'arrêter.
Je suis en province, les vieux ne parlent plus, pourtant le mien, dans son vieux pardessus râpé, semble sur le point d'exploser. Comment ça, rentrer tard ? me dit-il, alors que je me tiens devant lui, un peu tremblante dans ma robe blanche qui me fait ressembler à une meringue. Je ne suis pourtant pas venue lui demander la permission de minuit, ça fait longtemps que je l'ai, je veux juste qu'il me conduise à l'autel. J'y suis, justement, l'église resplendit, il y a des fleurs partout, je ne vois que toi, mon père a fini par se calmer, il finira bien par apprendre à t'aimer, lui aussi. Ce soir, nous irons danser, ce soir, nous ferons voler nos chemises et nos pantalons, mais avant, le prêtre réclame notre attention. Je parviens à grand peine à détacher les yeux de toi que j'aime, je m'apprête à dire oui, mais soudain, Monique fait irruption dans l'église et s'écrie que, ça y est, le vieux est de retour. Ma mémoire flanche, je ne me souviens plus très bien : qui est-elle ? Pourquoi ne voudrait-elle pas que je t'épouse enfin ? Tant pis, je me penche vers toi, je te donne un long baiser sans fin, et la musique me tourne la tête. Le tourbillon m'emporte, mais voilà qu'un schhbliiing de mauvais augure brise mon rêve.
Nous voici donc arrivés au terme de notre visite à l'hospice.
L'hospice ? Mais j'étais à l'église, moi, dans tes bras... Je me réveille doucement, dehors, le soleil brille toujours, et je suis toute seule dans mon lit. Allez, la semaine prochaine j'essayerai de ne pas rater tes mots doux, et ton rire médétongnonesque...

A toi pour toujours,

Valentine



Hans Baldung Grien, Les trois âges de la vie, c. 1539, Madrid, Musée du Prado.

17 octobre 2007

Dura lex, sed lex

Quand je suis à vélib, et qu'il n'y a plus de place disponible pour raccrocher l'engin, je suis en tort. C'est la loi.
Quand je rate une séance chez le monsieur de la tête, même si j'ai une bonne raison, je paye. C'est la loi.
Quand l'assemblée vote une loi scélérate, j'en subis les conséquences. C'est la loi.
Quand 53% d'un pays donne les pleins pouvoirs à un irresponsable, je deviens la cible de cet outre-pouvoir. C'est la loi.
Quand je vais chez le médecin, si je prends rendez-vous pour ne pas attendre trop longtemps dans la salle d'attente, je paye plus cher. C'est la loi.
Quand un malappris me raccroche au nez après m'avoir harcelée de paroles pendant une heure, je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. C'est sa loi.
Quand mon odieuse chefaillonne me fait reprendre un texte dix fois de suite, pour finalement revenir à la version d'origine, je dois me taire. C'est la loi.
Quand je reçois une lettre d'Arnaud Lagardère, expliquant à tous les salariés du groupe qu'on le traîne injustement dans la boue et qu'il attend de chacun de nous un soutien sans faille, qu'il souhaite que nous fassions corps derrière lui pour défendre son honneur flétri, je n'ai pas le droit de rire. C'est la loi.
Quand j'aime et n'obtiens que le silence en réponse, je m'y plie. C'est la loi.

Ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste

Eh bien vois-tu, cher Philippe, rarement cette pensée pascalienne ne m'aura semblé si juste. Reste donc à la faire entendre avec force.

A toi pour toujours,

Valentine

Lucas Cranach, Allégorie de la justice, 1537

13 octobre 2007

Second life


Cher Philippe,

Un mien ami exilé au bout du monde m'écrivait l'autre jour et me demandait comment la vie allait, à Paris. Voici ce que je lui répondis :

Quand je pense à tout ce que tu rates ici ! Le champagne coule à flots dans les rues, les filles dansent nues dans les cafés, les entreprises, le métro, Sarko vient de proclamer les 8 heures, désormais, nous ne travaillons plus qu'un jour par semaine (moi j'ai choisi le dimanche, comme ça je suis payée double), la vaste entreprise qui m’emploie vient de me nommer à la tête d'une nouvelle collection de réédition de textes rares - on prévoit un lancement très haut de gamme, sur papier bible, mais à des prix abordables. L’édition de ma thèse vient d'être retenue pour le Nobel de la recherche, et mon roman, que j'ai achevé depuis ton départ, est bien placé pour le Goncourt (mais c'est vrai que ça m'a fait très plaisir de recevoir le Renaudot).

Sinon, un anticyclone nous donne un franc soleil, mais pas la canicule quand même, hein, et comme les piscines sont désormais ouvertes 24/24, c'est bien pratique - d'autant que les lignes sont limitées à 5 nageurs, et qu'avec mon ancienneté, j'ai eu une carte tout de suite. Du coup, hier, je suis allée nager, et j'ai profité des services de massage gratuits à la sortie (c'est pas mal, ça, ça détend bien), et après j'ai dîné avec Emmanuel Carrère qui a un projet à me proposer - je ne t'en parle pas plus, c'est un peu confidentiel, moi-même, quand j'ai trouvé son message sur mon répondeur, j'ai d'abord cru à une erreur. C'est sans doute Jean-Paul Dubois ou Olivier Adam qui lui auront parlé de moi.

Bref, avec tout ça, j'ai pas trop de temps à moi, tu l'imagines, mais Philippe est génial, comme toujours : malgré toutes ses responsabilités à Radio France (il vient d'être nommé chef du nouveau service culturel sur France Inter, c’est beaucoup de boulot, mais il adore. D’autant que depuis que Frédéric Bonnaud, le nouveau président de France Inter, a réorganisé la grille et viré tous les éléphants qui plombaient l’antenne, toute la maison de la Radio est super motivée – et à juste titre, figure-toi que l’audience a remonté de 3 points ! ), malgré tout ça, donc, il sait trouver le temps de s'occuper des petits (tu ne reconnaîtras pas Adam, il a encore grandi, c'est dingue, quant à Isé, elle commence à marcher), il leur donne leur bain (des fois je me demande à quoi ça sert qu'on paye un jeune garçon au pair !) et il les fait manger, c'est simple, c'est un vrai papa gâteau. Et qui n'oublie pas de s'engager : hier soir, pendant que je dînais avec Carrère, il était l’invité d’honneur d’une conférence qui a fait grand bruit, Pourquoi la démocratie ne peut aller sans une véritable politique de service public, je crois qu'il a eu beaucoup de succès.
Bon, faut que je te laisse, je dois aller essayer ma robe chez Chanel (j'ai un peu minci, ils ont dû la retoucher), il ne s'agirait pas d'arriver mal fagottée à la première du Trouvère à l'Opéra Bastille ce soir (en plus on a les premières places, grâce à Radio France, et Philippe m'a dit qu'on dînerait avec le ténor juste après, je suis toute excitée!).
Bien à toi


Et toi, cher Philippe, à quoi ressemble ta vie rêvée ?

A toi pour toujours,

Valentine


Hervé Guibert, Table de travail

06 octobre 2007

Onze


Cher Philippe,

Aujourd'hui, cela fait onze mois que je suis amoureuse de toi. Onze mois à t'aimer, à penser à toi, à te chérir, à rêver de toi, à t'écouter religieusement.
J'ai aimé ces mois, ces heures passées à tenter de te toucher, à laisser mon amour, ma passion, guider mes mots. L'exaltation des premières pages, bien vite remplacée par le sentiment d'écrire depuis un désert solitaire des mots jetés à l'inconnu, qui ne seraient peut-être jamais lus. Puis la joie pure du premier commentaire, enfin j'étais lue, et tu allais peut-être en faire autant. Depuis, un bonheur éclatant à t'offrir chacune de ces pages.
Au XV, à l'honneur en ce jour, j'ai toujours préféré le onze, que tu me permettras donc d'honorer ici.

Un amour vrai, unique, qui n'aura jamais d'égal.
Deux prunelles pour relire sans concession chacun des mots que je t'envoie.
Désir, plaisir, extase : ma sainte trinité quand je pense à toi.
Quatre mains, les nôtres, quand enfin nos corps enfiévrés se trouveront.
Cinq sens, que tu éveilles en moi à chaque instant.
Istanbul, Florence, New-York, Séville, Amsterdam et Paris, les six villes que j'aimerais parcourir à tes côtés.
Sept sceaux, que je briserais sans hésiter pour toi.
Huit secrets, que je chuchoterai au creux de ton oreille après l'amour.
Neuf planètes, qui ne seront jamais assez vastes pour y inscrire ma passion.
Dix doigts que je voudrais entrelacer aux tiens, pour toujours.
Onze, l'heure du cadran que j'attends fébrilement chaque dimanche parce que lorsqu'elle sonne, tu viens à moi.

A toi pour toujours,

Valentine