21 octobre 2007

Trop vieille pour toi ?

Cher Philippe,

Sans doute suis-je en train de vieillir prématurément. Peut-être ne te mérité-je pas, au fond. Car voilà : cela fait plusieurs fois, ces dernières semaines, que je m'endors en t'écoutant.
Tu le sais, j'aime t'écouter sous ma couette le dimanche matin : même les jours où, prise d'un élan sarkozyste, je me lève tôt, je me recouche vers 11h02 avec un thé fumant, prête à t'accueillir avec joie. Tu te mets à parler, dans ma tête je récite avec toi les mots immuables que je connais par cœur, comme une prière, et l'émission commence. Je suis bien, bonjour à toi l'ami. Je découvre le sujet du jour - sauf pour les cas où j'aurais cédé à la tentation d'obtenir la clef du mystère dans mon magazine du mercredi. Ce matin, les vieux. Après tout, pourquoi pas ? J'attends alors la première ©ollinade, qui ne tarde jamais, puis je me laisse emporter par ta voix.
Trop emportée, peut-être. Première alerte : vers 11h32, je sens mon attention flotter. Tu parles, tu parles, et moi, de l'autre côté du poste, je rêvasse. Jeanne Calment a connu les funérailles nationales d'Hugo... Je passe dans ma tête les événements que j'ai connus - deux nouveaux papes, le mariage et la mort de Lady Di, la coupe du monde de 98, le 11 septembre, l'éviction de Bonnaud des ondes France Inter, l'enterrement d'un roi de France (si si, je t'assure, le transfert du cœur de Louis XVII à Saint-Denis, en 2005, j'y étais...) Ça y est, j'ai perdu le fil, et je me force à revenir à toi. Voulez-vous danser grand-mère, mon Dieu, c'est affreux, je connais les paroles par cœur... Mes grands-parents, morts depuis longtemps, font irruption dans ma chambre, et une jolie tristesse m'envahit. Heureusement, les VRP me réveillent, j'avais quel âge, déjà ? On jouait au tarot en buvant des martinis et en écoutant les VRP en boucle. C'est loin, très loin... Le rêve reprend, et cette fois, je ne peux plus l'arrêter.
Je suis en province, les vieux ne parlent plus, pourtant le mien, dans son vieux pardessus râpé, semble sur le point d'exploser. Comment ça, rentrer tard ? me dit-il, alors que je me tiens devant lui, un peu tremblante dans ma robe blanche qui me fait ressembler à une meringue. Je ne suis pourtant pas venue lui demander la permission de minuit, ça fait longtemps que je l'ai, je veux juste qu'il me conduise à l'autel. J'y suis, justement, l'église resplendit, il y a des fleurs partout, je ne vois que toi, mon père a fini par se calmer, il finira bien par apprendre à t'aimer, lui aussi. Ce soir, nous irons danser, ce soir, nous ferons voler nos chemises et nos pantalons, mais avant, le prêtre réclame notre attention. Je parviens à grand peine à détacher les yeux de toi que j'aime, je m'apprête à dire oui, mais soudain, Monique fait irruption dans l'église et s'écrie que, ça y est, le vieux est de retour. Ma mémoire flanche, je ne me souviens plus très bien : qui est-elle ? Pourquoi ne voudrait-elle pas que je t'épouse enfin ? Tant pis, je me penche vers toi, je te donne un long baiser sans fin, et la musique me tourne la tête. Le tourbillon m'emporte, mais voilà qu'un schhbliiing de mauvais augure brise mon rêve.
Nous voici donc arrivés au terme de notre visite à l'hospice.
L'hospice ? Mais j'étais à l'église, moi, dans tes bras... Je me réveille doucement, dehors, le soleil brille toujours, et je suis toute seule dans mon lit. Allez, la semaine prochaine j'essayerai de ne pas rater tes mots doux, et ton rire médétongnonesque...

A toi pour toujours,

Valentine



Hans Baldung Grien, Les trois âges de la vie, c. 1539, Madrid, Musée du Prado.

4 commentaires:

Frédéric a dit…

Cher Philippe,
Chaque dimanche, je vous écoute en pensant à Valentine... Vous me sembliez fatigué ce matin. Le grand âge qui vous guette ? une petite déprime ? la peur peut-être d'être un jour remplacé par Régis Mailhot (la menace de 7h53 qui essaie de nous faire rire chez Nico alors qu'il n'est pas drôle et qu'en plus, on sait que la bête immonde arrivera dans 23 minutes), ou la peur que l'amour de Valentine ne se tarrisse ? reprenez du poil de la bête... je vous en prie... mon vieux

Anonyme a dit…

Chère Valentine, je n'ai pas pu écouter l'émission de ce matin, à cause de vieux qui sont arrivés trop tôt, justement.
En lisant tes aventures, la panique dans ton lit, je me demande si je vais la podcaster. Je me ferais bien un petit VRP quand même!
Et le rire médétongnonesque, c'est une collinade ou une valentinade?

Valentine a dit…

C'est une valentinade, bien sûr,mais il faut écouter l'émission jusqu'au bout pour comprendre (un peu comme pour l'intégralité de mon billet du jour, j'en ai peur)

Anonyme a dit…

Moi aussi, moi aussi, je me suis endormie ce matin en l'écoutant, juste après le début de Monique et Jean-Claude. Je me suis seulement réveillée en sursaut pour la fin et le fou rire inextinguible... Mais comme j'ai podcasté les trois dernières semaines que je n'ai pas pu écouter pour cause de travail acharné, je savais que j'en avais sous le coude. Eh oui, chère Valentine, tu peux m'envier, je suis en mesure de découvrir trois "panique" dans la semaine, comme les caramels au beurre salé qu'on thésaurise avant de tous les dévorer d'un seul coup. Malheureusement, j'ai aussi thésaurisé mes copies pour demain...