30 janvier 2008

La première fois

Cher Philippe,

Dimanche, tu consacras une émission entière au doux émoi que les amoureux connaissent bien, cet indicible trouble qui s'empare d'eux lorsque, pour la première fois, ils croisent le regard, les lèvres ou la peau de celui ou celle qui vient de changer le cours de leur vie. D'ailleurs, j'ignore si le cours de ta vie a changé dimanche dernier, mais toi aussi, tu semblais bien troublé, puisque pour la première fois, tu t'emmêlas les pinceaux, et en beauté, boutonnant Pierre avec Paul, et rendant à César ce qui appartenait à Néron - pour ceux qui n'auraient pas été fidèles à leur poste, dimanche dernier, c'est à la 15'44 du podcast de la Panique au Mangin Palace.

Comme quoi, il faut bien une première fois.

Quoique
.

Ne me la refuses-tu pas depuis si longtemps, cette première fois ? Jadis, j'imaginai ta réaction, la première fois que tu découvrirais ces pages, mais cela est désormais bien loin derrière nous. Sans doute n'es-tu même plus étonné de mon amour, sans doute as-tu fini par le trouver normal. Tu t'y es habitué, confortablement. Cet amour, tu sais qu'il existe, mais tu ne le remarques même plus. Comme un vieux couple.
Il faudrait qu'il disparaisse pour que, peut-être, il te manque.
C'est une terrible ironie, tu ne trouves pas ? La seule première fois dont je peux m'enorgueillir avec toi, c'est d'être la première femme au monde à souffrir de l'immanquable ennui amoureux, mais sans l'amour. En somme, l'argent du beurre, sans le beurre.
Mais hauts les cœurs, et foin de pessimisme : malgré le doute, qui, il faut bien te l'avouer, me ronge parfois lorsque je pense à nous, permets-moi de rêver à d'autres premières fois, moins déprimantes.

La première fois que tu m'écrirais.
Tu m'enverrais un message où tu aurais recopié les paroles d'un film de Demy, qui diraient que nos amours resteront légendaires. Tu me donnerais rendez-vous, mais moi, comme une idiote, je ne parviendrais pas à y croire. Je harcèlerais tous mes amis, je les presserais de m'avouer leur forfait, je dirais au monde entier, ici-même, peut-être, que je ne suis pas dupe. Amusé par mes doutes, tu te débrouillerais pour découvrir mon adresse, et tu viendrais m'y cueillir avec un bouquet de lys blancs, parce que tu aurais deviné que ce sont mes fleurs préférées.

La première fois que tu poserais tes lèvres sur les miennes
. J'ai si souvent imaginé cet instant suspendu, je l'ai si souvent décrit ici-même, que j'ai parfois l'impression que cette première fois a déjà eu lieu. Mais cette illusion ne dure jamais bien longtemps, car je sais bien que si tu m'avais déjà fait découvrir le goût de tes baisers, chaque parcelle de mon âme, chaque centimètre carré de ma peau aurait brûlé d'un feu nouveau, et mes mots après cela n'auraient plus eu d'autre sens que de célébrer ce souvenir grandiose .

La première fois où nous nous disputerions. Je t'aurais attendu une demi heure au café où nous aurions eu rendez-vous, et j'aurais fini par partir, furieuse, après t'avoir laissé un SMS rageur en me promettant de ne plus jamais t'attendre pour aller au cinéma. Évidemment, je serais arrivée en retard pour le début du film, et je t'aurais maud(hu)it jusqu'à la huitième génération. Le film, un navet, n'aurait rien fait pour arranger mon humeur de chien, et en ressortant, je me serais promis de profiter de la première occasion pour te rendre la pareille.
Mais alors que j'aurais remonté la rue menant à notre nid d'amour, j'aurais levé la tête vers les fenêtres de notre appartement, et tout mon ressentiment se serait brusquement envolé. Je t'aurais aperçu sur notre balcon, me souriant d'un air penaud, brandissant une immense pancarte en forme de cœur.
Elle aurait porté ces mots :

Je ne suis qu'un crétin.
Je t'aime.
Veux-tu m'épouser?


À toi pour toujours,


Valentine



Juan de Flandes, Retrato de una Infanta, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, 1496.

21 janvier 2008

I had a dream



Cher Philippe,

Il faut que je te l'avoue. Hier, à 11h07, je n'étais pas devant mon poste, première communiante attendant fébrilement que mon divin époux se manifeste.
Non, à l'heure de la messe, j'étais loin de Paris, au soleil, l'eau glacée rafraîchissant mes chevilles délicates, j'étais bien. Je revivais. C'était comme si le soleil venait réveiller chaque centimètre carré de ma peau endormie par l'hiver, et à mesure que mon corps se réchauffait, mes sens reprenaient au soleil leur bien.
Évidemment, dans une telle symphonie sensuelle, je pensais à toi. Au bonheur que ce serait de mêler nos pas sur la plage, main dans la main, puis de nous laisser tomber ensemble sur le sable mouillé et de laisser les vagues nous emporter tandis que nos lèvres s'uniraient dans un insatiable baiser. Nous finirions par nous relever, trempés, heureux, et par nous réfugier un peu plus haut, à l'abri des vagues. Tu m'offrirais alors un abri de tes bras, et je me blottirais contre ton torse pour ne faire plus qu'un avec toi. Nos deux chaleurs se mêleraient peu à peu, et nous perdrions nos regards dans l'infini de la mer s''enfuyant devant nous...
Voilà à quoi je rêvais hier en contemplant la mer, mon amoureux.
Toute la journée, ce rêve éveillé me porta, m'emplissant d'une stupéfiante joie, jusqu'à ce que, de retour à Paris, je découvre émerveillée que ce n'était plus un rêve.
Malgré tes silences timides, malgré tes pudeurs de jeune homme, toi aussi tu rêvais de m'emmener au bout du monde.

Mieux, tu voulais m'en faire le plus beau des cadeaux pour le jour de notre mariage.

Comment te dire ma joie, devant cette absolue preuve d'amour ? Seul quelqu'un qui me connaît vraiment bien pouvait deviner que de tous les bouts du monde, Zanzibar avait ma préférence. Seul quelqu'un qui m'aime de tout son être pouvait m'offrir une lune de miel sur l'île aux épices.

Alors nous partirons dès que tu le voudras, mon amoureux : je t'attends.


À toi pour toujours,


Valentine

PS : n'oublie pas de remercier Flora et Xavier, et surtout le Parrain, pour leur délicate attention à l'occasion de notre mariage.


13 janvier 2008

Un parapluie pour deux ?



Merci mon amoureux.



Valentine

10 janvier 2008

Piqûre de rappel, III





Cher Philippe,


Il est peut-être temps de dire encore une fois l'histoire de notre amour, pour ceux qui la prendraient en cours de route, et qui risqueraient de se perdre en ses méandres.
Car que de chemins empruntés ici, ou d'autres seulement esquissés, depuis ce soir de novembre, où, épiloguant sur mes 33 ans, je pris la résolution qui allait changer ma vie : aller jusqu'au bout de l'amour que, dans le plus grand secret, j'éprouvais pour toi.

Ici, j'ai dit mes doutes, j'ai dit mes joies, j'ai dit mes peines, j'ai tout dit et je l'ai dit encore, du temps que je parlais dans le grand silence, et du temps que j'étais sûre que tu m'entendais.

Je t'aimais.

Quand la tentation de t'être infidèle m'assaillait, j'y résistais de toutes mes forces, je comptais mes divisions, je rassemblais mes troupes. Je refaisais l'histoire, je l'écrivais chaque soir, encore et encore, je m'en imprégnais, et je rêvais qu'elle fût vraie.
Quand la réalité et sa cohorte de fantômes et de doutes menaçaient de nous submerger et d'ensevelir mon bel amour, je trouvais l'antidote dans le rêve, où tu avais toujours la place d'honneur.
Et quand cela ne suffisait pas, j'invoquais les fées et les sortilèges, je provoquais les dieux, j'aurais tout sacrifié sur l'autel de mon amour.
Hélas ! Ton silence n'en était que plus cruel. Tu parlais aux uns et aux autres, tu t'épanchais partout, mais à moi, mais ici, tu ne disais rien.

Pourtant, dans l'obsession de mon amour, je tenais ce silence pour un signe.

Ce soin que tu mettais à éviter ces pages, ton acharnement à ne pas répondre à mon amour n'étaient-ils pas les signes évidents de ton entrée dans le jeu, de ta passion tout aussi flamboyante que la mienne ? Tu niais mon existence dans les interviews que tu donnais aux journaux, mais ne m'adressais-tu pas, dans les mêmes journaux, des messages à peine cryptés ?

Hélas, encore, ce jeu cruel ne semblait fait que pour entretenir ma psychose, et me laisser au désespoir de t'atteindre jamais. Tu te nourrissais de mon amour mais ne lui laissais aucune miette. Avais-tu donc si peur que je vole ton cœur que tu le gardais si jalousement ? Craignais-tu de perdre la tête, à ton tour, et de tourner sur toi-même en t'écriant :

Au voleur, au voleur, à l'assassin, au meurtrier. Justice, juste Ciel. Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon cœur. Qui peut-ce être ? qu'est-il devenu ? où est-il ? où se cache-t-il ? que ferai-je pour le trouver ? où courir ? où ne pas courir ? n'est-il point là? n'est-il point ici ?
Arrête. Rends-moi mon cœur, coquine...
Hélas, mon pauvre cœur, mon pauvre cœur, mon cher ami, on m'a privé de toi.

Mais Philippe, ouvre les yeux ! Le voleur de cœur, c'était toi.
J'étais seule.
J'aimais et j'étais seule.
Mon vœu le plus cher n'était qu'une chimère, les roses ne trouveraient jamais le chemin de mon cœur, et les voix que j'aimais ne reviendraient jamais sur France Inter.

Je poursuivais du vent.

J'hésitais, un temps, à laisser Valentine s'éteindre en même temps que sa passion. Je laissais s'élever ma triste plainte :

Puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde. Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus, je me meurs, je suis morte, je suis enterrée.

Mais c'était impossible.

J'aimais bien trop t'aimer.

Alors je repris le chemin des rêves et de la douce folie qui berce mon amour, bien décidée à le rêver encore plus grand, encore plus intense. Plus fou. Comme au cinéma. Et j'espère que tu m'accompagneras longtemps sur ces sentiers en cinémascope, sinueux, c'est vrai, mais tellement grisants.

À toi pour toujours,


Valentine


Françoise Dorléac et Gene Kelly, Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967).
BO du même film, version instrumentale.
Molière, L'Avare, IV, 7, 1668.

06 janvier 2008

Etrange et doux effroi


Extase ! Ivresse inassouvie,
Étrange et doux effroi !
Mon reflet, mon âme et ma vie,
À toi, toujours à toi !

Mon amoureux,

Dans ton bel élan de ce matin, tu as oublié la plus palpitante des peurs, celle des cœurs amoureux, celle des amants désunis, celle qui me fait frémir lorsque je pense à toi, et au jour où, enfin, tu me laisseras venir à toi.
À pas lents, je m'avancerai vers toi et je baisserai les yeux, effrayée, troublée, émue. L'immensité de l'amour que nous serions sur le point de faire me transformerait soudain en petite fille, j'aurais tout oublié de ce qui ne serait pas toi, il n'y aurait plus personne avant toi, et je tremblerais comme une feuille, déchirée entre mon désir grandissant et la crainte de te décevoir, de n'être pas à ta hauteur.
Alors, d'une main douce, tu relèverais mon visage, puis tu poserais tes lèvres brûlantes sur les miennes.

Quelle folie ! Quel excès !

Tu apaiserais ma crainte. Naîtrait alors en moi, en nous, un étrange et doux effroi, bien plus troublant, stupéfiant, cet effroi insensé dans lequel je voudrais me perdre avec toi jusqu'au bout de la nuit.
Jusqu'au bout de la vie.

À toi pour toujours,


Valentine


Offenbach, Les contes d'Hoffmann, Acte IV, 1881.
Rembrandt, Suzanne au bain (détail), 1634, La Haye

03 janvier 2008

Une femme résolue (en vaut deux)


Cher Philippe,

Après les vœux - un baiser s'il te plaît -, les résolutions.
Celles que nous propose Luciano me semblent charmantes, et dessinent en filigrane une histoire que je vivrais volontiers avec toi :

Lui faire comprendre sans scrupules comment gagner de 5 à 7

S'astreindre lentement à l'aguicher dans mon boudoir


S'entêter avec délice à s'alanguir en privé.


S'entraîner magiquement pour l'initier au plaisir pendant des heures


Lui suggérer à dessein comment jouir sans pudeur


Lui indiquer naïvement comment s'habituer sans s'impliquer



Tu sais comment me joindre pour m'aider à mettre en œuvre ces bonnes résolutions.

Mais je sais qu'il me faudra sans doute être patiente, aussi ai-je plus d'une résolution dans mon sac. De vraies bonnes résolutions, c'est-à-dire des résolutions agréables à mettre en œuvre. Parce que c'est tout le problème, avec les bonnes résolutions : à ne décider chaque année que des choses atrocement coûteuses et blessantes pour l'amour de soi et l'intégrité de nos corps (arrêter de fumer, de boire, ne plus se coucher après minuit, travailler plus, gagner moins, s'entraîner à la course, pratiquer l'abstinence, jouer au Scrabble, etc...), il n'est pas très étonnant qu'on n'y arrive jamais. En fait, c'est un peu comme si on se présentait à soi-même les vœux du pire :

Chère Valentine, pour 2008, je te souhaite de souffrir atrocement en te contraignant au maximum, de renoncer à tout ce qui pourrait te faire plaisir et de te couler dans un moule d'ennui où tu périras dans l'indifférence.

Alors que si on prenait de vraies bonnes résolutions, on pourrait les appliquer avec un grand bonheur. Dont acte :

  • Ne jamais perdre une occasion de boire du champagne - j'avais déjà pris cette douce résolution en 2007, et je dois avouer qu'elle m'a réjouie d'un bout à l'autre de l'année.
  • Me faire plaisir, le plus possible et à chaque instant.
  • Ne renoncer à rien, jamais.

Autant te dire que je ne suis pas près de t'oublier.

À toi pour toujours,


Valentine

01 janvier 2008

Un baiser s'il vous plaît....


Cher Philippe,

Me permettras-tu, en 2008, de découvrir la saveur de tes lèvres ?
Les miennes ne seront que pour toi...




À toi pour toujours,



Valentine


Tony Leung et Maggie Cheung, In the Mood for Love (Wong Kar-Wai, 2000)
Peter Krause et Rachel Griffiths, Six Feet Under (Saison 5)
Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, Casablanca (Michael Curtiz, 1942)
Gene Kelly et Françoise Dorléac, Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967)
Marcello Mastroianni et Anita Ekberg, La Dolce Vita, Federico Fellini, 1960)
Jim Carrey et Kate Winslet, Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004)
Brancusi, Le Baiser, 1907
Magritte, Les amants, 1928 (coll. Richard S. Zeisler, New York)
Jean-Louis Coulloc'h et Marina Hands, Lady Chatterley (Pascale Ferran, 2006)
Louis Garrel et Ludivine Sagnier, Les Chansons d'amour (Christophe Honoré, 2007)
Le prince et la princesse, La Belle au bois dormant (Walt Disney, 1959)
Grégoire Leprince-Ringuet et Louis Garrel, "As-tu déjà aimé", BO du film Les Chansons d'amour