30 juin 2007

The winner takes it all


Cher Philippe,

Vous avez gagné, toi et la bande de furieux du Mangin Palace, et pourtant, il y a comme un goût amer qui ne s'efface pas. Cette fois, le fond de l'air n'est plus vraiment rouge, comme le célébrait autrefois Chris Marker, mais bleu, et on se demande en vain qui pourrait célébrer cet air oppressant. Tu triomphes, mais combien de temps avant qu'on ne te censure, toi aussi ? Avant que tu ne rejoignes Bonnaud, Hees et les autres ? Avant qu'on ne te remplace par la fine fleur de la culture et de l'humour français - ils sont légion, ça ne devrait pas être trop compliqué à trouver. Bigard?
Alors voilà, tu gagnes, mais tu perds, et je suis effondrée. A-t-on jamais entendu plus triste dernière que celle de la Bande à Bonnaud ? Plus émouvante et plus digne, aussi :

"Simplement vous dire à quel point ça a été un plaisir et une immense joie: trois ans de Charivari, une année de Bande à Bonnaud, et puis voilà, nous avons essayé de conjuguer l'intérêt, la culture, la curiosité, et de faire tout ça dans la joie et dans la bonne humeur, parce que ce qu'il y a de marqué dans les livres, ce n'est pas forcément ennuyeux. On me reproche de faire une émission élitiste, je crois vraiment que rien n'est plus faux. Un des slogans qui a marqué ma vie, c'est le slogan du Théâtre National Populaire de Jean Vilar, et qui avait été repris par Antoine Vitez, et qui disait : élitaire pour tous. Elitaire pour tous, c'est ce que nous avons essayé de faire, ça veut dire que nous vous avons proposé pendant toutes ces années ce que nous considérions comme le meilleur, tout simplement, et nous pensions que le meilleur pour vous, c'était aussi le meilleur pour nous, voilà, c'était pas plus compliqué que ça. Donc, nous avons refusé de nous travestir, nous avons refusé le chantage, nous avons refusé d'obtempérer à la médiocrité ambiante, ça ne fait pas de nous des héros, mais évidemment, à un moment, il faut en payer le prix, et c'est un peu ce qui est en train de se passer. [...]
Hier, par hasard, j'ai rencontré Patrick Modiano, et je lui ai dit : vous savez, quand j'avais douze ou treize ans j'écoutais une émission, comme beaucoup de millions de gens, qui s'appelait Apostrophes, et on voyait un auteur qui s'appelait Patrick Modiano, qui n'était pas encore aussi connu qu'aujourd'hui, et on ne comprenait rien à ce qu'il disait, il se perdait dans ses bafouillis, et le service public de la télévision c'était ça, c'était des moments comme ça. Donc ce service public de la télévision, il a été cassé, petit à petit, on sait très bien où il en est aujourd'hui, et je pense que ce qu'on est en train de faire maintenant, c'est de casser le service public de la radio publique. Et ça c'est quelque chose de grave parce que je trouve que les cases s'amenuisent, et qu'il y a de moins en moins d'intervalles. [...]
Nous finissons la tête haute, sans nous travestir, en étant restés nous-mêmes."

Et parce que les mots ne remplacent pas l'accent de la sincérité, on peut aussi l'écouter ici.
Et parce que je ne vois pas bien ce que je pourrais ajouter après ça, je m'arrête là.

A toi tant que tu seras là,

Valentine

27 juin 2007

La bande à Bonnaud

Cher Philippe,

Pardonne-moi de mettre l'amour que je te porte entre parenthèses, mais je ne peux croire à ce que j'apprends : la Bande à Bonnaud disparaîtrait à la rentrée ?
A moins que la direction de France Inter ne considère qu'une émission d'Isabelle Giordano suffise à assurer une mission de service public, j'ai du mal à comprendre pourquoi elle supprimerait la seule émission culturelle digne de ce nom de son auguste antenne. Je ne compte plus le nombre de livres, de pièces de théâtre et de films que j'ai vus ou lus cette année grâce à la BAB : que vais-je faire l'an prochain? Ecouter les Grosses Têtes ?
Pffff....... Plus de Bonnaud, plus d'Annesse, de Gabriel, de chroniqueur gastronomique qui avance masqué, plus de Viviant... Et, bien sûr, plus de mission de mauvais garçon.
Dieu que les après-midi vont être longs, dès septembre...

Aussi me permets-je d'en appeler à vous, qui me faites l'honneur de me lire, vous avec qui je partage sans doute beaucoup d'autres goûts que celui, immodéré, du Collin et du total foutraque, afin de faire grossir les rangs des auditeurs colères devant tant de désinvolture, et bien décidés à sauver la Bande à Bonnaud.

A toi pour toujours,

Valentine

20 juin 2007

Un dernier baiser


Cher Philippe,


J'ai une faveur à te demander.

Oh, une toute petite faveur, rassure-toi, rien qui ne te soit impossible, rien qui ne te compromette. Rien d'illégitime, non plus - enfin, tu jugeras.
Voilà les faits : depuis bientôt sept mois, tu as peut-être remarqué que je te consacrais mon temps, mon énergie, mon babil, et bien d'autres artifices qu'il serait trop long de citer ici. Si, par le plus extraordinaire des hasards, tu ne t'es pas aventuré en personne sur ces pages à ta gloire, je doute que personne, autour de toi, ne te les ai signalées - l'efficacité du système orwellien qui nous entoure fait que, vois-tu, je sais bien qu'on les visite depuis Radio France, ces pages. Admettons toutefois que tu n'en aies rien su, d'où tes silences, et que tu me lises aujourd'hui pour la première fois.
Aujourd'hui, c'est-à-dire à quelques jours à peine de la dernière émission de la saison, l'ultime Panique qui nous déridera avant d'aller nous prélasser sur des plages lointaines. Une dernière émission, brillante comme il se doit, comme les dizaines d'autres qui l'ont précédée, et qui t'ont permis de prétendre à des honneurs croissants, d'une place de choix chez Bonnaud à la double page dans le Monde 2, en passant, bien sûr, par un festival new-yorkais dont il me tarde de connaître l'issue.
Alors voilà, Philippe, lors de cette dernière émission, j'aimerais que tu me fasses signe.
Depuis des mois que je mendie ton attention, que je supplie tes mots et que je me prosterne à tes pieds pour qu'enfin, une seule parole de toi me libère, jamais tu ne daignas soulager ma peine. Ni ici, ni sur les ondes où je te suggérais pourtant quelques thèmes audacieux. Alors, dimanche, il me semblerait juste qu'enfin tu te manifestes. Evidemment, je ne m'attends pas à ce que, soudain, au détour des aventures de Monique et Jean-Claude, tu t'interrompes pour saluer ma tendre entreprise. Non, ce que j'aimerais, c'est que, au gré de ton envie, tu glisses au creux de tes mots une phrase, un titre, que tu aurais trouvés ici, et que je reconnaîtrais, même si je suis la seule.
Ça n'est pas grand chose, cher Philippe, et cela réjouirait mon âme, mon coeur, et raviverait la flamme de l'amour que je te porte, et surtout des mots que, chaque semaine, j'ordonne ici pour toi. Par dessus tout, cela me donnerait l'envie de continuer, cet été, et plus loin encore, de me dévouer à toi.
D'une certaine manière, Philippe, tu me le dois bien, non pas comme une dette, mais comme un contre-don, et si tu hésites encore, rappelle-toi tes propres paroles. A l'heure où tu annonçais que la Panique au Mangin Palace était sélectionnée pour la finale du sus-nommé festival, tu ne manquas pas d'ajouter :

"Si nous gagnons, nous savons que vous pourrez toutes et tous réclamer un bout de cette médaille".
Philippe Collin, dimanche 10 juin, 11h59, F.I.

Eh bien voilà, pour moi, cette médaille, tu la portes déjà, et si je viens à toi aujourd'hui, c'est pour t'en réclamer, amoureuse, le bout qui m'en revient.

A toi pour toujours,

Valentine


Francis Picabia, La Nuit espagnole, 1922

17 juin 2007

Oui pour toujours


Cher Philippe,

Enfin, un signe.

Au bout de 7 mois de cour assidue, me voici enfin récompensée : en t'écoutant, ce matin, j'ai compris que tu m'envoyais un message. Codé, certes, mais néanmoins intense. Car qu'aurais-je pu penser d'autre en découvrant que tu avais choisi de consacrer ton avant-dernière émission aux liens sacrés du mariage ?
Pourtant, mon amour, je vais devoir tempérer tes ardeurs, même si cela me brise le coeur.
Je ne t'épouserai pas, mon ange.
D'abord, parce que l'amour, on le sait bien, dure trois ans : or, celui que je te porte est si impérieux qu'à imaginer un instant seulement qu'il puisse finir un jour, je me sens brisée, et toutes les larmes de mon corps ne suffiraient pas à dire mon chagrin.
Ensuite, parce que depuis que tu te pavanes sur les pages glacées des hebdomadaires, j'ai découvert un élément qui me trouble. Tu es blond, Philippe. Certes, il n'est pas sage de s'en tenir à l'apparence, mais le Philippe Collin que j'aime est brun.
Enfin, et c'est ce qui m'oblige à refuser ta main, à renoncer à remonter vers toi l'autel de la plus sublime cathédrale, je ne peux m'unir à toi parce que la force de mon désir est telle que prétendre le dresser le tuerait à coup sûr. Ma passion ne résisterait pas aux cadres des institutions.
Je t'aime tant, mon bien aimé, qu'à t'avoir enfin, je te perdrais, et si je te perdais, j'en deviendrais folle. Comme la vierge folle de Rimbaud.

Écoutons la confession d'un compagnon d'enfer :
Ô divin Époux, mon Seigneur, ne refusez pas la confession de la plus triste de vos servantes. Je suis perdue. Je suis soûle. Je suis impure. Quelle vie !
Pardon, divin Seigneur, pardon ! Ah ! pardon ! Que de larmes ! Et que de larmes encor plus tard, j'espère !
Plus tard, je connaîtrai le divin Époux ! Je suis née soumise à Lui. − L'autre peut me battre maintenant !
A présent, je suis au fond du monde ! O mes amies !... non, pas mes amies... Jamais délires ni tortures semblables... Est-ce bête !
Ah ! je souffre, je crie. Je souffre vraiment. Tout pourtant m'est permis, chargée du mépris des plus méprisables cœurs.
Enfin, faisons cette confidence, quitte à la répéter vingt autres fois, − aussi morne, aussi insignifiante !
Je suis esclave de l'Époux infernal, celui qui a perdu les vierges folles. C'est bien ce démon-là. Ce n'est pas un spectre, ce n'est pas un fantôme. Mais moi qui ai perdu la sagesse, qui suis damnée et morte au monde, − on ne me tuera pas ! − Comment vous le décrire ! Je ne sais même plus parler. Je suis en deuil, je pleure, j'ai peur. Un peu de fraîcheur, Seigneur, si vous voulez, si vous voulez bien !
Je suis veuve... − J'étais veuve... − mais oui, j'ai été bien sérieuse jadis, et je ne suis pas née pour devenir squelette !... − Lui était presque un enfant... Ses délicatesses mystérieuses m'avaient séduite. J'ai oublié tout mon devoir humain pour le suivre. Quelle vie! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. Je vais où il va, il le faut. Et souvent il s'emporte contre moi, moi, la pauvre âme. Le Démon ! − C'est un Démon, vous savez, ce n'est pas un homme.

Tes délicatesses mystérieuses m'ont séduite, mon amour. J'ai tout oublié de mon devoir pour te suivre, mon ange, mais je sais bien, moi, que tu es un homme, un vrai.

A toi pour toujours,

Valentine

Marc Chagall, La Mariée
Rimbaud, "La Vierge Folle", Une Saison en Enfer, 1873

03 juin 2007

Les chansons d'amour


Cher Philippe,

Ce serait bien, une panique sur les chansons d'amour.
A l'image de ce film incroyable qui transforme en or une journée commencée de plomb - une journée, par exemple, où tu te fais réveiller par Christine Angot qui braille dans le poste. Pour dire des inepties, comme à l'accoutumée, autour de son nombri.
Eh bien, moi, je ne dis pas "nombri", mais nombril, et je préfère m'intéresser à celui des gens brillants - le tien, au hasard, ou celui de Christophe Honoré, qui me cloue sur place avec son film.

A toi pour toujours,

Valentine