19 mai 2008

Qui trop embrasse....

Cher Philippe,


Te souviens-tu que j'annonçais, antan, que je mettrais toute mon énergie au service d'une seule cause, te séduire, et que je ne reculerais devant rien pour ce faire ? Eh bien, reçois ici la preuve étonnante que je ne mentais pas :
Tu m'accorderas qu'il n'y a au monde aucune servante qui te serait plus dévouée que je ne le suis, n'est-ce pas ? De la même façon, depuis le temps que je te le répète, tu sais bien que je te défendrais corps et âme, que j'accéderais sans une plainte au moindre de tes vœux, dût-il me blesser. Tu as compris, enfin, que tu es le sel de ma vie. En d'autres termes, on pourrait dire que tu es ma coqueluche. Alors écoute ça : pour t'éprouver jusqu'au plus profond de ma chair, j'ai donc attrapé la coqueluche.

Quelle autre femme aurait poussé l'amour aussi loin ?


Je t'assure que c'est vrai. J'ai chopé cette étrange maladie que je croyais disparue, maladie connue surtout pour sa durée - on l'appelle aussi la maladie des 100 jours - sa fulgurance, et sa vitesse de propagation. En cela, elle nous rappellerait presque l'amour, non ?
On lui connaît les remèdes les plus farfelus - ainsi une balade en avion à plus de 3000 mètres la guérirait, ce que je sais bien être faux, puisque mon retour romain ne l'a en rien atteinte -, et les dangers les plus grands. Je ne résiste ainsi pas à te recopier le passage de Wikipédia qui a failli me porter le coup fatal tant il m'a fait rire (ce qui est une très mauvaise idée quand on a la coqueluche) :

"Les complications de la coqueluche sont rares depuis le recours à la vaccination. Néanmoins la coqueluche peut entraîner une otite moyenne, une pneumonie, une atélectasie, des convulsions, une encéphalopathie, un amaigrissement, des hernies, un décès, etc.…"


Rassure-toi, cher Philippe, je vais tout tenter pour éviter ces écueils qui n'ont pas l'air très sexy, et je te reviendrai entière, entendante, respirante, pensante, harmonieuse, vivante, etc.



À toi pour toujours,


Valentine


Hans Baldung Grien, Le Chevalier, la mort et la jeune fille, Paris, Musée du Louvre, vers 1500.



12 mai 2008

Vacances romaines



Cher Philippe,


Quinze jours loin de toi, quinze jours à imaginer que c'était à ton bras que je me mêlais au tumulte londonien, puis que je goûtais à la douceur de vivre à la romaine.
Rome t'irait si bien, mon amoureux : ronde, chaude, éclatante, vive. Je nous voyais déjà léchant la même glace en riant aux éclats, nous allonger dans l'herbe tendre de la Villa Borghèse, nous embrasser à la folie sur le pont Palatin et regarder passer le Tibre en nous souvenant que la joie vient toujours après la peine.
Nous serions allés entendre la Traviata dans une église magnificente, nous aurions mangé des oranges sur l'Aventin, nous serions tombés en admiration devant la Fornarina de Raphaël, et tu aurais compris, en le voyant, tout l'amour que j'ai pour ce tableau.
D'une seule main, nous aurions jeté une pluie de pièces dans la fontaine de Trevi, pour être sûrs de revenir dans la ville éternelle, nous serions allés admirer l'Extase de sainte Thérèse, et nous aurions trouvé que Monsieur Kaplan avait bien raison lorsqu'il disait que l'original est si sublime que nulle représentation ne saurait en donner la mesure.
Tu aurais admiré l'art des bottiers italiens, à nul autre pareil, et tu aurais insisté pour m'offrir cette magnifique paire de sandales italiennes qui me font le pied charmant et la jambe fine.
Tu te serais ému des regards appuyés dont m'auraient couverte nombre de Romains, et tu aurais fini par prendre ombrage des œillades enflammées qu'ils n'auraient cessé de m'envoyer, et je n'aurais réussi à apaiser ta jalousie qu'en baisant tes lèvres, avant de te murmurer à l'oreille que ces hommages latins, loin de te mettre en rage, devraient bien te flatter.
Radouci, gagné par ma flamme, tu m'aurais serrée contre ton cœur, et tandis que le soleil serait doucement tombé sur le Trastevere, tu m'aurais chanté les vers de l'amoureux poète :

Benedetto sia 'l giorno, e 'l mese, e l'anno,
e la stagione, e 'l tempo, e l'ora, e 'l punto,
e 'l bel paese, e 'l loco ov' io fui giunto
da' duo begli occhi, che legato m'hanno;

e benedetto il primo dolce affanno
ch'i' ebbi ad esser con Amor congiunto,
e l'arco, e le saette ond'i' fui punto,
e le piaghe che 'n fin al cor mi vanno.

Benedetto le voci tante ch'io
chiamando il nome de mia donna ho sparte,
e i sospiri, e le lagrime, e l' desio;

e benedetto sian tutte le carte
ov'io fama l'acquisto, e l' pensier mio,
ch'è sol di lei, si ch' altra non v' ha parte.

Pétrarque,
Canzoniere 61 (traduction ici)


À cet instant, Philippe, je serais tombée amoureuse de toi pour la seconde fois.


Las ! Tu n'étais point à mes côtés pour vivre ces merveilles.
Par bonheur, tu étais dans mon cœur, et ta voix m'accompagnait car, vois-tu, en revenant de Londres, j'avais pris soin de podcaster la Panique que j'avais manquée, et c'est dans l'avion qui me ramenait de Rome, hier, que j'ai découvert que tu pensais à moi, et que mon billet sur les jupes des filles t'avait peut-être inspiré une de tes émissions les mieux troussées...


À toi pour toujours,


Valentine