12 mai 2008

Vacances romaines



Cher Philippe,


Quinze jours loin de toi, quinze jours à imaginer que c'était à ton bras que je me mêlais au tumulte londonien, puis que je goûtais à la douceur de vivre à la romaine.
Rome t'irait si bien, mon amoureux : ronde, chaude, éclatante, vive. Je nous voyais déjà léchant la même glace en riant aux éclats, nous allonger dans l'herbe tendre de la Villa Borghèse, nous embrasser à la folie sur le pont Palatin et regarder passer le Tibre en nous souvenant que la joie vient toujours après la peine.
Nous serions allés entendre la Traviata dans une église magnificente, nous aurions mangé des oranges sur l'Aventin, nous serions tombés en admiration devant la Fornarina de Raphaël, et tu aurais compris, en le voyant, tout l'amour que j'ai pour ce tableau.
D'une seule main, nous aurions jeté une pluie de pièces dans la fontaine de Trevi, pour être sûrs de revenir dans la ville éternelle, nous serions allés admirer l'Extase de sainte Thérèse, et nous aurions trouvé que Monsieur Kaplan avait bien raison lorsqu'il disait que l'original est si sublime que nulle représentation ne saurait en donner la mesure.
Tu aurais admiré l'art des bottiers italiens, à nul autre pareil, et tu aurais insisté pour m'offrir cette magnifique paire de sandales italiennes qui me font le pied charmant et la jambe fine.
Tu te serais ému des regards appuyés dont m'auraient couverte nombre de Romains, et tu aurais fini par prendre ombrage des œillades enflammées qu'ils n'auraient cessé de m'envoyer, et je n'aurais réussi à apaiser ta jalousie qu'en baisant tes lèvres, avant de te murmurer à l'oreille que ces hommages latins, loin de te mettre en rage, devraient bien te flatter.
Radouci, gagné par ma flamme, tu m'aurais serrée contre ton cœur, et tandis que le soleil serait doucement tombé sur le Trastevere, tu m'aurais chanté les vers de l'amoureux poète :

Benedetto sia 'l giorno, e 'l mese, e l'anno,
e la stagione, e 'l tempo, e l'ora, e 'l punto,
e 'l bel paese, e 'l loco ov' io fui giunto
da' duo begli occhi, che legato m'hanno;

e benedetto il primo dolce affanno
ch'i' ebbi ad esser con Amor congiunto,
e l'arco, e le saette ond'i' fui punto,
e le piaghe che 'n fin al cor mi vanno.

Benedetto le voci tante ch'io
chiamando il nome de mia donna ho sparte,
e i sospiri, e le lagrime, e l' desio;

e benedetto sian tutte le carte
ov'io fama l'acquisto, e l' pensier mio,
ch'è sol di lei, si ch' altra non v' ha parte.

Pétrarque,
Canzoniere 61 (traduction ici)


À cet instant, Philippe, je serais tombée amoureuse de toi pour la seconde fois.


Las ! Tu n'étais point à mes côtés pour vivre ces merveilles.
Par bonheur, tu étais dans mon cœur, et ta voix m'accompagnait car, vois-tu, en revenant de Londres, j'avais pris soin de podcaster la Panique que j'avais manquée, et c'est dans l'avion qui me ramenait de Rome, hier, que j'ai découvert que tu pensais à moi, et que mon billet sur les jupes des filles t'avait peut-être inspiré une de tes émissions les mieux troussées...


À toi pour toujours,


Valentine



3 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est certain que l'émission sur la nudité était meilleure que celle de dimanche... Sujet risqué et, à mon avis, défi pas très bien relevé...

Anonyme a dit…

Chère Valentine,

Heureuse qui comme vous a fait un si beau voyage ! Oui, j'ai bien connu Rome, autrefois (Rome, unique objet de mes doux sentiments) et je peux vous suivre pas à pas à travers votre récit.

J'espère que vous avez évité l'ignoble tartuffo des Tre Scalini, honteusement vanté dans chaque guide touristique à la con, mais qui insulte le palais par ses pépites de chocolat si dures qu'elles gâchent l'onctueuse sensualité de la crème glacée qui, comme chacun sait, se doit de fondre langoureusement dans la bouche, tout en douceur et en rondeur.

Ainsi donc, l'herbe de la villa Borghese est désormais tendre ? J'en suis ravi, de mon temps elle était flétrie, aplatie, par les jeunes junkies du samedi soir...
Le mont Palatin (mont, n'est-ce pas ?) est en effet un fort belle endroit pour convertir Philippe aux délices du baiser : la lumière y est si douce, parfumée par les fleurs d'oranger et le suave filet des oliviers.
Pour la fontaine de Trevi, inutile de gaspiller une pleine poignée de pièces, surtout depuis que l'Italie est passée à l'euro (avant, on pouvait balancer 100 lires, ça coûtait rien, à peine 30 centimes de franc, une paille ! tandis qu'aujourd'hui, notre maigre pouvoir d'achat nous impose, à nous Français, de surveiller les plus minimes de nos dépenses). Une seule pièce suffit, donc, d'après la légende, pour avoir le droit de revenir piétiner les sanpietrini.
Je vous avais bien dit que votre photo de l'Extase de sainte Thérèse ne valait pas tripette ! N'est-ce pas que l'original est des plus superbes, des plus troublants ?
Puisque vous êtes passée à S. Maria della Vittoria, j'espère que vous avez poussé la curiosité jusqu’au tout proche petit planétarium de la piazza Repubblica, où sont exposés quelques antiques admirables. J’y venais voir régulièrement, jadis, un somptueux pugiliste de bronze, et une Vénus de marbre aux formes si tendres que j'en étais tombé amoureux.
Les ragazzi romani ont si bon goût qu'il nous faudra donc croire que vous êtes, en effet, fort jolie - comme vous le prétendiez naguère sans pour autant vous dévoiler à Philippe, pourtant sûrement impatient, c'est sûr, de découvrir le visage et la silhouette de son admiratrice ! Allez, soyez certaine qu'il va vous écrire, maintenant, puisqu'il peut se fier au jugement des Romains.

Philippe connaît très bien Rome, il avait consacré toute une Panique à la Ville éternelle. Vous rappelez-vous ? C'était le 26 mars 2006… épisode 29.

La machine était prête et, a posteriori, nous étions le dimanche 26 mars 2006, il était 11h06. Nous étions dolce vita, nous étions Cicciolina, nous étions tomate mozzarella, nous étions Caligula, nous étions vespa, piazza Navona… Oui, ce matin-là, tous les chemins menaient à Rome, nous étions romains.

Anonyme a dit…

De Rome, je ne connais que des images de cinéma;
un jour,j'irai...Pour de vrai, avec mon amoureux. Peut-être. Les italiens s'habillent si bien...mais votent si mal.
Je sais, je suis française, alors je ne devrais pas trop la ramener en ce moment...
Je me souviens des arcades rouges de Bologne, de la chaleur de la pierre et de la douceur des nuits en Emilie Romagne.
Merci pour ce billet évocateur de doux moments passés. C'était il y a 15 ans,ou plutôt c'était il y a 100 ans, et c'était hier aussi.