02 mars 2008

Confession d'une menteuse, III


Si j’avais eu la présence d’esprit de dire quelque chose, Philippe, n’importe quoi, pour éviter que l’autre ne regarde l’écran où s’affichait la preuve de mon amour pour toi, il ne se serait aperçu de rien, serait reparti dans la salle de bains, et tout aurait continué comme avant. Mais je ne pus dire un mot, et l’autre finit par regarder l’écran, pour y chercher sans doute la cause de mon émoi.
Il ne lut pas l’annonce, qui s’y affichait pourtant scandaleusement, mais il reconnut le site de Libé et il se mit à crier. J’étais encore en train de consulter ce site crétin ? Mais à quoi je rêvais ? Qu’est-ce que ça voulait dire, cette, insistance ? Ça ne me suffisait donc pas qu’il soit là, à m’aimer, en chair et en os, pour que j’aie besoin d’une annonce à la con ? Il s’énervait, je gardais le silence, c’était atroce, et moins je répondais, plus il s’énervait. Et soudain, il lâcha : à moins que tu n’attendes la déclaration d’un autre ! C’était dit, je crois, sans y penser, c’étaient de vraies paroles en l’air lancées sous le coup de la colère, mais à la manière dont je baissai les yeux, il sut. Alors, pris d’une rage comme je ne lui en avais jamais connue, il s’écria que ça suffisait comme ça ces conneries, et il éteignit l’ordinateur avant de repartir en grondant dans la salle de bains.
J’étais perdue. Impossible de rallumer son ordinateur pour effacer mes traces, je ne connaissais pas le mot de passe qu’il utilisait pour lancer le système. Et je savais qu’il irait traquer mon historique dès qu’il serait seul. C’était fini, j’allais être démasquée, ce n’était plus qu’une question d’heures. Quand il ressortit de la salle de bains, j’étais prostrée sur le canapé, attendant l’orage, mais il se contenta de me demander si j’étais prête. Prête pour quoi ? La bataille ? Quelle idiote ! Je l’avais blessé, j’allais devoir en payer le prix. Il avait décidé que nous sortirions pour la saint Valentin, nous allions donc sortir. À moins, bien sûr, que j’aie d’autres projets. Il avait ajouté cette dernière pique d’une voix mesurée, et je compris que je ne pourrais pas y échapper. J’allais boire la coupe de mon infamie jusqu’à la lie.
Ce fut encore pire que ce que j’avais imaginé. Dans le restaurant où il avait réservé une table, nous étions entourés d’authentiques amoureux, ou du moins, de couples qui voulaient se faire passer pour tels, et chaque regard autour de moi ne faisait qu’ajouter à ma peine. Tous ces gens qui s’aimaient, et lui qui me regardait comme si j’étais une étrangère. Il ne cria pas, il ne se mit pas en colère, il fit pire : il me cingla de son mépris. Je crois qu’il attendait que je lui avoue la vérité, que j’implore son pardon, mais qu’aurais-je pu dire ? Que j’en aimais un autre que je ne connaissais même pas, que les soirs de solitude, devant mon écran, j’imaginais des mots d’amour à envoyer dans le vide, que j’étais tombée amoureuse d’un autre et que pourtant je l’aimais toujours, lui ?
Le silence n’en finissait plus de s’étirer entre nous, odieux, je ne pouvais rien avaler des mets pourtant délicats qui nous furent servis, et à chaque passage, le serveur nous dévisageait comme s’il ne comprenait pas ce que nous faisions là, à ne pas fêter la fête des amoureux. De fait, c’était incompréhensible.
Au bout d’une heure, ou une heure et demi, je ne sais plus, tant cela me parut une éternité, l’autre finit par me libérer. Ou plutôt, il me planta là. Toujours sans un mot, il se leva, régla la note et partit sous les regards curieux des autres clients, qui reportèrent bientôt toute leur attention sur moi, pauvre petite chose humiliée un soir un de saint Valentin. Mais cela ne m’atteignait pas, non, parce que je savais que le pire était à venir. Je savais que d’un instant à l’autre, l’autre chercherait en ligne les preuves de mon forfait. Il chercherait la vérité. Et il la trouverait.

Cela fait quinze jours, à présent, que je n’ai plus entendu parler de lui. Son silence m’accable, et pourtant, tu vois, même dévastée, je pense encore à toi. Je continue à t’écrire, alors que je sais qu’il me lit. Je suis en train de me tirer une balle dans le pied, et pourtant je t’écris.
N’est-ce pas insensé ?


Valentine


PS : Reste-t-il de la place à Gros-Boule-les-Bains pour s’y réfugier un moment ?


Domenico Feti,
Madeleine pénitente, Galleria Doria-Pamphili, Rome, 1617-21.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

mais enfin valentine, il faut courir chez l'autre et pleurer et demander pardon et supplier. il vous aime, il est blessé, qu'attendez vous donc ? une amoureuse telle que vous voyons ! à moins que...

Anonyme a dit…

Hola Valentine,

Ms qu'est-ce que tu ns fait? Hum?
va cours vite, encore plus vite que ça s'il te plait, rejoindre ton autre présent, réel. Si tu, crois un jour que tu l'aimes, n'attends pas un jour pas une semaine va le retrouver...

Entre le plaisir de sentir sa peau douce contre la mienne
et celui l'écouter une heure par semaine,
même si je suis connue pour avoir des vrais problèmes de décision dès qu'il y a plus d'une possibilié. Mon choix est fait... Avoue lui tout, ce ne st que des écrits non?

Des écrits de notre poète, écrivain en herbe ou pas...

Val pour Valérie

Anonyme a dit…

Les filles, elle ne l'aime pas "l'autre", ça se lit entre les lignes. C'est pour Philippe qu'elle brûle... l'autre n'était qu'un pis aller...
Grosboule les bains, entre porno et pantoufles, NON ! tu es trop bien pour ça Val'...

Yorg