31 mars 2007

Comme un rêve de pierre

Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin, où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient. Un soir, j'ai assis la beauté sur mes genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée.

Ce sont les premiers mots d'Une Saison en enfer, et après cela, il ne reste plus grand chose à écrire. Mais comme je ne suis pas femme, et encore moins amoureuse, à renoncer à la première difficulté, je vais néanmoins m'y employer, et nourrir à nouveau ces pages que j'hésitais dernièrement à poursuivre. Car vois-tu, cher Philippe, avec la laideur, tu m'offres un sujet de choix.
Qu'est-ce qui est laid?
Est-ce que la jeune fille qui danse avec la mort, dans le dessin de Munch que j'ai choisi aujourd'hui, c'est laid?
Au moins s'aiment-ils.
Car oui, Philippe, la laideur, c'est aussi aimer et n'avoir que le silence en retour. Mais c'est une bien petite laideur, ça, une laideur quotidienne, qui ne compte presque pas, et dont je ne m'offusquerai pas trop longtemps - même si l'idée, soufflée par un commentateur que je remercie, de voir fleurir un blog philippecollinestungougeat pour te rendre la monnaie de ton silence me remplit d'une immense joie. On pourrait boucler la boucle en suggérant philippecollinestlaid, d'ailleurs, tu en fis toi-même la démonstration hier, même si je te soupçonne d'avoir voulu par là réfréner les ardeurs de tes admiratrices les plus assidues.
Alors oui, cher Philippe, quand tu te laisses aller à d'aussi grossiers pièges, et quand tu ne viens pas, tu es très laid, en effet.
Mais d'autres choses le sont bien plus : Luc Ferry me réveillant en déblatérant avec suffisance ce matin, c'était laid.
Sarkozy qui pense à la présidence en se rasant, et qui se réclame de Blum et de Jaurès, ça aussi, c'était laid - à la différence de Ségolène Royal appelant les Français à fleurir leurs intérieurs et leurs façade de drapeaux tricolores, ce qui était juste très crétin.
Enfin l'organisation d'une émeute orchestrée par la police à Gare du Nord, à moins de trois semaines du premier tour, voilà qui était très, très très laid.
Tu le vois, les objets de laideur ne manquent pas, malheureusement. Pourtant, je peine à en trouver d'autres, ou n'ai pas très envie de le faire, parce qu'en ce moment, vois-tu, c'est plutôt la beauté qui a pris possession de mon esprit, et qui me fait vivre avec une intensité que je n'avais pas ressentie depuis longtemps. Aussi vais-je m'empresser de retourner à ces beautés, en me permettant, avant cela, de t'aiguiller sur la première d'entre elle, que j'ai eu la chance d'admirer vendredi soir, et dont je ne me remettrai peut-être jamais :
c'était au bois de Boulogne, c'était aérien, c'était lumineux, c'était la preuve que les anges existent et que les hommes peuvent voler, c'était magique, et c'était tout sauf laid. C'était Ola Kala, des Arts Sauts.


A toi pour toujours,


Valentine

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