16 mai 2007

Méditations



Cher Philippe,

Demain, ce n'est pas au Crillon que je m'adonnerai à mon vice favori, mais à la Mamounia, le palace de Marrakech, car, oui, fidèle à ma caste, je pars à Marrakech à l'Ascension - célébrer la fête christique dans une mosquée me paraissant une excellente idée pour chasser la morosité que l'on sait.
Pendant que je peaufinerai mon teint et mes talents de négociatrice au Souk, je te laisse méditer (sur un yacht, ou non, ce sera à ta convenance - on a les méditations que l'on peut) sur cette histoire qu'Emmanuel Carrère met dans la bouche de Philip K. Dick dans la biographie qu'il consacre à ce fou génial (lui), histoire sur laquelle on pourrait méditer des heures :

C'est une maîtresse de maison qui reçoit à dîner et elle a posé une superbe entrecôte de cinq livres sur le buffet de la cuisine. Quand les invités arrivent, elle bavarde avec eux dans le salon, ils prennent un martini ou deux, puis elle s'excuse, file dans la cuisine pour aller préparer l'entrecôte... et s'aperçoit qu'elle a disparu. Qui voit-elle alors dans un coin, en train de se pourlécher tranquillement les babines? Le chat de la maison. [...] Les invités accourent. Ils discutent. Les cinq livres d'entrecôte se sont volatilisées et le chat a l'air parfaitement satisfait et repu. "Pesons le chat", suggère quelqu'un. Ils ont tous un peu bu et l'idée leur paraît excellente. Ils vont dans la salle de bains, placent le chat sur la bascule. Il pèse cinq livres. Tout le monde se presse autour de la bascule. Un invité dit "C'est bien ça, le compte y est". Ils sont certains de savoir ce qui s'est passé, maintenant qu'ils ont une preuve concrète. C'est alors qu'un autre invité, pris de scrupules, demande : "Mais où est le chat?"


A toi pour toujours,

Valentine

Emmanuel Carrère, Je suis vivant et vous êtes morts, Editions du Seuil

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Valentine,
Ton amoureux a remarquablement sévit aujourd'hui encore auprès de son parrain, qui avait pour invité Jean d'Ormesson. Je t'en recommande l'écoute si jamais tu l'as manqué.
Bravo encore pour tes billets d'humeur dont je me délecte chaque semaine !
sam