27 juin 2008

Double jeu ?


J’arrive à l’aéroport débordant de haine et, juste après le décollage, je te dis quelque chose d’affreux dont j’ai honte encore aujourd’hui. Tu sais ce qui va se passer ? Tu veux que je te raconte ? On va faire ce qu’on a dit. Nager, paresser au soleil, fumer des joints. Ce sera bien. Je serai charmant, tendre, attentionné, je te ferai l’amour, je te dirai que je t’aime, mais je te préviens : ce sera un mensonge. Je vais passer deux semaines à te mentir, alors que la vérité ce sont les choses atroces que je t’ai dites. C’est ça que je pense de toi et c’est pour ça qu’au retour je te chasserai. Tu as bien entendu ? Dans cinq minutes, je te dirai le contraire, je te supplierai de ne pas croire ce que je viens de dire, mais il faut que tu saches qu’alors je te mentirai. Compris ? Tu fermes les yeux, tu restes un moment sans pouvoir respirer, je vois ton ventre secoué de spasmes. Au bout d’une demi-heure de silence, je prends ta main et te demande pardon.

...


Emmanuel Carrère, Un roman russe, P.O.L., 2007.
Callot, Superbia.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cette période muette bourrée de citations ne me dit rien qui vaille...
ça me rappelle le genre de trucs sur lesquels je me jetais autrefois (c'est une clause de style, je ne suis pas SI âgée) en période de chagrin d'amour extrêmement aigü (eh oui j'en eus, surtout un d'ailleurs...)
Je m'imbibais de Cioran, je dévorais Alain de Botton, je dégustais Roland Barthes et ses fragments de discours (tellement prêté celui-là, que jamais retrouvé, Sophie, rends-moi mon livre!)pendant qu'à l'extérieur l'été battait son plein, que de la musique enthousiasmante était en train d'être créée, que des fruits exaltants étaient en train de pousser, que le seul être manquant était en train de vivre... de finalement très banals et ennuyeux moments...