24 juin 2008

Fin de non recevoir ?


"Mon ami, je t’approuve entièrement de ne pas chercher à prolonger outre mesure ton séjour au Havre et le temps de notre premier revoir. Qu’aurions-nous à nous dire que nous ne nous soyons déjà écrit ?
C’est chez la tante Plantier qu’eut lieu notre première rencontre. […] Pour moi, craignant de ne plus parfaitement la reconnaître, j’osais à peine la regarder. Ce qui nous décontenança plutôt, c’était ce rôle absurde de fiancés qu’on nous contraignit d’assumer, cet empressement de chacun à nous laisser seuls, à se retirer devant nous.[…] Il faisait chaud pour la saison. La partie de la côte où nous marchions était exposée au soleil et sans charme, les arbres dépouillés ne nous étaient d’aucun abri. De mon front que barrait la migraine je n’extrayais pas une idée ; par contenance, ou parce que ce geste pouvait tenir lieu de paroles, j’avais pris, tout en marchant, la main qu’Alissa m’abandonnait. L’émotion, l’essoufflement de la marche et le malaise de notre silence nous chassaient le sang au visage ; j’entendais battre mes tempes ; Alissa était déplaisamment colorée ; et bientôt la gêne de sentir accrochées l’une à l’autre nos mains moites nous les fit laisser se déprendre et retomber chacune tristement. "

...


André Gide, La porte étroite, Gallimard, 1909.
Rome, Cimetière protestant.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Hum, ça sent la prise de congé... avec l'été ?
Dire que j'ai lu "la Porte étroite" et que je n'en ai conservé absolument aucun souvenir...