09 février 2007

Verba volant, scripta manent



Cher Philippe,

En ce moment, quand j'allume ma radio et que tu ne t'y trouves pas, ce qui est malheureusement fréquent, j'entends souvent un appel qui m'atteint droit au coeur tout en me rappelant l'un de mes nombreux regrets : ma station favorite m'invite à prendre ma plus belle plume afin de faire partie du jury du Livre Inter.
Chaque année, je caresse mon envie d'en être, de lire, lire encore, dévorer, puis d'en débattre avec d'autres, qui, comme moi, ne veulent pas choisir entre la lettre et le verbe, et se régalent d'entendre des voix chères leur parler de textes aimés. Et chaque année, je compose ma lettre dans ma tête, je les trouve imparables, mes mots qui disent mon amour des livres, et puis comme chaque année, je ne les couche pas sur le papier, et je laisse passer la date d'envoi. Alors, la mort dans l'âme, j'enfouis ce regret dans un coin de mon inconscient, mais celui-ci finit toujours par revenir frapper à la porte, en général au moment de la proclamation du Prix, et je me rabats, tristement, sur la lecture du lauréat, souvent en refaisant le débat comme on refait le match.
Evidemment, en 1975, vu que je n'avais même pas deux ans, je n'ai pas lu Des Demeures et des gens, le premier roman primé. Je dois bien avouer, d'ailleurs, que trente et quelques années plus tard, Catherine d'Etchea m'est une parfaite inconnue. Et sans doute pas uniquement à moi, puisque si je la google, je ne trouve que neuf liens qui pointent vers elle, plus ou moins vaillants. Triste destin, qui me rend aujourd'hui, moi l'amoureuse officielle de Philippe Collin, beaucoup plus visible que cette lauréate. Vanitas vanitatum et omnia vanitas. Vanité des distinctions, vanité des moteurs de recherche, aussi...
Je n'ai donc pas lu Catherine d'Etchea, et parmi la liste des lauréats, force m'est de constater que j'en connais fort peu avant 1990. Toutefois, je suis prête à parier que je ne suis pas la seule, et en particulier que toi non plus, cher Philippe, tu n'as pas lu cette pléiade d'auteurs souvent disparus. Qui se souvient des hommes ? écrivait Jean Raspail en 1987, et aujourd'hui, malgré le prix que lui valut cet opus, je ne peux que demander à mon tour : qui se souvient de Jean Raspail ?
Question toute rhétorique, car Jean Raspail gagne à être connu. Si si. D'une part, contrairement à Catherine d'Etchea, Jean Raspail n'a jamais cessé d'écrire depuis l'obtention de ce prix - il avait d'ailleurs commencé bien avant, et nous lui devons un certain nombre de romans aux titres fleuris, mes favoris étant Secouons les cocotiers (2 tomes), Le Son des tambours sur la neige ou En Canot sur les chemins d'eau du roi. D'autre part, outre qu'il a intitulé un autre de ses romans Boulevard Raspail - un peu comme si je revendiquais My Funny Valentine -, ce prolifique et réactionnaire écrivailleur a aussi présidé le comité pour la commémoration du bicentenaire de la mort de Louis XVI (commémoration qui aurait dû avoir lieu place de la Concorde, et qui fut refusée par la Préfecture de Paris), et, surtout, il s'est fendu, le 17 juin 2004, d'un papier pour le Figaro où l'on pouvait lire ceci :

"Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu'« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d'une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu'au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée de la population du pays, le reste étant composé d'Africains, Maghrébins ou Noirs et d'Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l'islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer."
Jean Raspail, La patrie trahie par la République

Si jamais tu me soupçonnais de déformer ses paroles dans je ne sais quel dessein, je t'invite à vérifier par toi-même que cet extrait est au contraire bien en dessous de la réalité de l'ensemble de son propos. Mais ne reste pas trop sur sa page, tu risquerais la nausée.
Tu vois, je ne te mentais en affirmant que Jean Raspail gagnait à être connu.
Curieusement, soudain, j'ai comme un doute sur la pertinence du prix du livre Inter... Du moins à cette époque, par ailleurs fort trouble: après tout, n'y voyait-on pas de curieuses pratiques qui permettaient à l'ancien président de Radio France, Jean-Noël Jeanneney, de devenir président du jury, l'année même qui suivait son éviction ? Un peu comme si, un jour prochain, Jean-Paul Cluzel devenait à son tour président du jury. Après Echenoz, Carrère, Rouaud ou Semprun, ça risquerait de la foutre mal, non ? Sans compter qu'on serait à peu près assurés de voir Jean d'Ormesson, ce sympathique jeune auteur qui monte, emporter le prix... Et alors, cher Philippe, le parrain te confierait sans doute la lecture des oeuvres complètes de cet homme qui se voudrait le successeur de Chateaubriand et qui ne sera jamais que celui de Prudhomme, et là, ce ne sont pas 100, ni 200, mais bien plutôt 5000 pages que tu devrais te fader en une nuit, et quelles pages....
Mais non, cela n'arrivera jamais, et j'en veux pour preuve le spectaculaire redressement du palmarés depuis une dizaine d'années - depuis que je lorgne avec gourmandise sur le jury, en fait, même si je doute fort que cela ait un rapport. Qu'un tel prix ait su récompenser, dans le désordre de mes préférences, Winckler, Mauvignier ou Gailly, cela suffit à me réconcilier avec lui, malgré Raspail, malgré les petites compromissions, et malgré d'Ormesson. Aussi n'ai-je plus qu'à sortir ma plus belle plume, pour, enfin, convaincre tes pairs de me choisir. D'autant que cette année, je suis encore plus motivée que par le passé : si j'étais choisie, je pourrais me battre pour défendre Démolir Nisard et conchier La Mélancolie de Zidane. Et puis, surtout, si j'étais choisie, j'entrerais enfin en ton royaume.
Ce qui serait le meilleur moyen de te rencontrer, cher Philippe, et peut-être même de te séduire sans que tu me reconnaisses...

A toi pour toujours,

Valentine

2 commentaires:

Anonyme a dit…

E' un bellissimo libro di novelle, e se vuoi capire la differenza fra un romanzo e un libro di novelle leggi la superba prefazione, di una autitrice ironica, capace di prendere in giro il mondo editoriale e qundi i sentimenti grossolani del volgo "impegnato".
Misero me, che non sono riuscito ad apprezzare compiutamente e personalmente le novelle: NON CONOSCO LA LINGUA FRANCESE! Errore imperdonabile! Ma ho apprezzato, perchè la voce soave che mi ha lasciato accarezzava il mio udito e la mia fiamma.
Il tuo: calatagc@libero.it
Ti saluto mia dolce amelie, romana di adozione.
ciao amoré

Valentine a dit…

E terribille : Non conosco neanche la lingua italiana...