10 novembre 2006

Puisque nous sommes entre nous

Cher Philippe,

Puisque nous sommes entre nous, et que c'est vendredi soir, il est temps que je t'en dise un peu plus long sur moi, et sur mon projet qui doit te surprendre, comme il m'a du reste surprise quand je l'ai moi-même formé.
Car en effet, à l'origine, rien ne me destinait à t'épouser.
Dit comme cela, ça peut sembler un peu rude, mais laisse-moi t'expliquer plus avant. Avant toi, j'avais une vraie vie. Bon, un peu ennuyeuse, c'est vrai, mais tu sais comment c'est, on se laisse souvent bercer par nos illusions, même quand elles ne sont plus si douces qu'elles l'ont été.
Sauf que tout ça, c'était avant. Avant que ta voix suave ne touche mes oreilles. Car à cet instant, Philippe, j'ai su que je vivais dans l'illusion. Que la vraie vie était ailleurs, la mienne, en tout cas.
Et que tu en faisais partie.
Or donc, une fois que j'ai constaté que je ne saurais vivre sans toi, j'ai cherché le meilleur moyen de te toucher.
Un mail? Je t'en avais déjà envoyé un, oh, pas pour te demander ta main, non, mais enfin, même s'il ne brillait pas par son originalité - j'avais dû te déclarer, plus ou moins en substance, que j'aimais beaucoup ce que tu faisais - , le fait est que tu n'y avais jamais répondu.
Te coincer au sortir de la Maison de la Radio? Cela aurait supposé que je susse à quoi tu ressemblais, et, je t'en reparlerai, il se trouve que je l'ignorais - et je l'ignore toujours, n'est-ce pas là une preuve supplémentaire de la pureté de l'amour que je te porte?
Alors un blog ? Je mentirais en disant que, par ailleurs, l'idée d'en avoir un, moi aussi, ne m'avait jamais effleurée. Sauf que deux écueils dramatiques m'arrêtaient : d'une part, comment ne pas être tentée de refaire, même sans en être consciente, les blogs que j'admirais? Et d'autre part, comment ne pas tomber dans les travers qui se répandaient comme la vermine sur les couilles du bas-clergé parmi les bloggeurs que je fréquentais, ou que je lisais? Comme faire un blog et perdre le contact avec la réalité - le soir où j'avais vu deux personnes qui coadministraient un blog, réunies comme souvent dans la même pièce, s'envoyer des commentaires sur leur ordinateur qu'elles tenaient chacune sur leurs genoux plutôt que de se parler directement, ce soir là, par exemple, j'avais touché du doigt un des travers dans lequel je ne voulais pas tomber. Sans parler de toutes ces personnes qui n'avaient rien à dire, mais que je lisais sans comprendre pourquoi, ou plutôt, en comprenant très bien que c'était pour de très mauvaises raisons - comme ce blog de pouffe aiguë détaillant chaque nouvelle paire de chaussures, écrit avec le pied, forcément, et que je ne lisais que pour savoir à quel moment son mec, dont elle contait sans cesse les revirements amoureux, allait enfin la quitter. Et je pourrais ajouter à cela toutes les thérapies en ligne, de celles qu'on ne lit que pour se convaincre qu'on va très bien, par comparaison, et où on se laisse parfois aller à déposer un commentaire vaguement sadique.
Bref, tout cela ne me donnait pas tellement envie.
Jusqu'à ce que j'aie L'IDEE.
En fait, ce blog n'allait être qu'un instrument de ma réussite, et ce serait grâce à lui que je parviendrais à te toucher.
Comment?
Eh bien, cher Philippe, parce que je suis sûre qu'un jour ou l'autre, tu finiras bien par te googler, et qu'alors, nécessairement, tu arriveras sur ces pages. Je peux même d'ores et déjà te raconter la scène.
Ou plutôt, je le ferai dans mon prochain message.

A toi pour toujours,

Valentine

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