29 novembre 2006

La pente est raide (mais la route est droite)

Cher Philippe,

J'écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf.

J'étais devant mon poste (enfin c'est une image, depuis longtemps tu ne sors plus par le poste, mais par l'ordinateur), et je frissonnais en t'imaginant face à la Despentes, bien fragile, même sous ton masque de mauvais garçon. Et pour t'avouer la vérité, j'étais assez contente de t'imaginer tremblotant face à celle que, il y a quinze jours à peine, j'aurais encore conchiée avec la meute, et que, depuis la lecture de son virulent opus, je me prends à regarder avec une grande amitié.
Il y a quinze jours, je t'aurais dit : "Quoi, VD, cette radasse mal baisée qui écrit avec sa chatte et qui se la pète en voulant couper les couilles des mecs?" (bon, je te l'accorde, ce faisant, j'aurais été un peu vulgaire, mais on a beau avoir appris les bonnes manières - ou pas - ça finit toujours par ressortir. Et en plus j'aime ça). J'aurais sans doute ajouté : "cette espèce d'hommasse qui se dissimule derrière des théories féministes à deux euros cinquante, qui enfoncent paradoxalement les femmes en les rejetant dans une opposition crétine, systématique et caricaturale?" Et j'aurais conclu : "Cette mal baisée qui croit encore qu'il faut en passer par des détours pseudo-littéraires pour parler et écrire cul, et dont les livres ne font vraiment bander personne?". Bref, tu vois, j'aurais été très dure. Et puis, les hasards de la vie, hein, il se trouve que pour fêter mon entrée dans l'âge du Christ, une mienne amie m'a offert le dernier jet d'encre de la demoiselle VD. Tu imagines ma tête... Oh, super, je ne l'avais pas lu (tu m'étonnes), justement, je l'ai entendue à la radio l'autre jour (enfin, je l'ai entendue en direct d'un taxi pestant connement contre les embouteillages, qui l'empêchaient d'être à l'heure à la Maison de la Radio, alors que si elle prenait le métro comme tout le monde, la conne, ça ne lui serait pas arrivé), et j'étais curieuse de la lire (pour voir si elle aurait le cran de coucher noir sur blanc les conneries qu'elle disait en passant depuis son taxi).
Eh bien je dois l'admettre, je me suis pris une grande claque dans la gueule.
Dès les premières pages, ça s'est mis à résonner. Attention, ne va pas t'imaginer que je ressemble à la pauvre fille que ton odieux prof d'histoire de Brest a humiliée pour la vie, et que c'est pour ça que ça résonnait. Non, ça résonnait parce que les stratégies pour être une femme, et s'en défendre en même temps, j'ai le sentiment de ne faire que ça.

Les femmes se diminuent spontanément, dissimulent ce qu'elles viennent d'acquérir, se mettent en position de séductrices, réintégrant leur rôle, de façon d'autant plus ostentatoire qu'elle savent que - dans le fond - il ne s'agit plus que d'un simulacre.

Evidemment, ça ne doit pas te parler beaucoup, mon cher Philippe, mais fais un effort, tu peux comprendre - d'ailleurs, quand elle t'a gentiment expliqué (enfin gentiment, c'est une façon de parler, à l'entendre, on avait plutôt l'impression qu'elle était sur le point de te coller une droite), tu as fini par comprendre.
Alors je vais m'arrêter là, et c'est promis, la prochaine fois, je te parlerai de choses plus viriles, de Nick Hornby, par exemple, et de ma phrase préférée :

Pour parler métaphoriquement, le plein sens de la mort, c'est qu'elle risque fort de survenir avant que tous les principaux championnats aient eu lieu.

C'est dans Carton jaune, et si tu ne l'as pas lu, honte à toi.

A toi pour toujours,

Valentine

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