06 décembre 2006

Niklaus

Cher Philippe,

Aujourd'hui, c'est la saint Nicolas, et du coup, tout ce que j'avais prévu de te dire passe un peu au second plan.
Ainsi, je ne te dirai pas pourquoi je t'ai choisi toi, toi et pas un autre - pourquoi pas Bonnaud, par exemple, après tout, ça aurait pu, il est plus connu, il parle bien, plus souvent que toi, il a su se faire tout plein d'entrées dans le petit monde buzzatique de la culture et pourtant il donne toujours l'impression de connaître, et de comprendre, les sujets dont il parle. Pourquoi pas un bien plus connu, ça, ça peut se comprendre : imaginons un instant que j'aie jeté mon dévolu sur, allez, disons Romain Duris. Je l'admire aussi, lui, et pas seulement parce qu'il y fait atrocement penser. Non, son jeu me convainc. Aussi. Eh bien, Duris, ça m'étonnerait fort qu'il en soit encore à scanner le web en quête de témoignages de reconnaissance. Non que je t'imagine en train de le faire - sinon nous nous serions déjà trouvés - mais tu pourrais. Connu mais pas trop, le début de la gloire mais toujours un pied du côté de la vraie vie, je pourrais te définir comme ça. Certes, me diras-tu, mais Bonnaud aussi, non? Eh oui, Bonnaud aussi, mais comme c'est la saint Nicolas, je ne vais pas avoir le temps de t'expliquer.
Pas plus que je ne vais pouvoir, comme j'en avais l'intention, te narrer la folle aventure qui m'arriva tantôt, et comment je me retrouvai bien malgré moi dans une réunion corporate à subir un lavage de cerveau en règle dont je me demande encore s'il est la préfiguration de ce qui m'attend dans cette atroce entreprise, ou s'il couronne ce que j'y ai déjà vécu. Dans tous les cas, ça m'a confortée dans l'idée de ne plus laisser une seule seconde de mon temps de cerveau disponible pour cette mascarade capitaliste, mais de cela encore, je ne vais pas te parler. Quant à la manière dont, alanguie sur mon canapé, je laisse mon attention divaguer jusqu'à ce que ta voix, sortie des ondes, emplisse mon salon et me sorte de ma douce torpeur en me donnant de délicieuses palpitations au coeur, c'est une telle évidence que les mots ne sauraient la décrire.
Non, tout cela n'est rien comparé à la saint Nicolas. Attention, je te parle du vrai Nicolas, pas du petit énervé qui se rase en pensant à nous (atroce, cette idée que des personnes que l'on déteste peuvent se donner du plaisir en pensant à nous, non ?), ni du petit gars qui fait bêtise sur bêtise avec ses potes Eudes et Rufus, ni enfin du petit Nico qui crie dans le poste durant le cetnoeuftrante - je l'aime bien, lui, même s'il serait bon qu'il apprenne à poser sa voix, ça m'éviterait des réveils militaires pas toujours heureux.
Le vrai Nicolas, lui, il était hyper plus fort que tous ceux là réunis (et tous les autres, mais bon, je vais pas tous les citer, hein?). Lui, il faisait comme ça avec ses mains, ou encore comme ça, il mettait ses doigts comme ça, et puis comme ça, et hop, c'était plié. Il arrivait, il prenait sa tête de saint Nicolas, celle avec des yeux comme ça et le sourire qui va avec, un geste du bras, trois mots, et paf, ça le faisait.
Autant te dire que c'était pas le genre de gars à qui on aurait osé coller un audit performance.
Alors comme c'est sa fête aujourd'hui, même s'il est mort depuis au moins dix mille milliards d'années, on va pas se gêner pour la lui faire, sa fête. Pour le modus operandi, je te laisse libre d'agir à ta guise, pour ma part je pense que je vais appeler un Nicolas de mes amis, et qu'après quelques coupes de Ruinart, nous nous ferons plaisir avec des gestes comme ça, comme ça, et puis comme ça. Et à mon avis, ce sera rien que du bonheur.
C'est ça qui est bien avec la saint Nicolas.

A toi pour toujours,

Valentine

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