13 décembre 2006

Rambo


Cher Philippe,

J'ai la grande chance d'appartenir à ce grand groupe qu'est le groupe Hachette, bien connu des amoureux de la culture, des philanthropes, des philosophes et des humanistes en tous genres. Depuis que j'en fais partie, je suis tombée de Charybde en Scylla, et j'ai pu prendre la mesure du vide abyssal sur lequel se construit, se reproduit et se congratule le petit milieu de l'édition, généralement germanopratin, mais parfois étendu aux rives beaugrenelloises du fleuve Seine. Mais aujourd'hui, alors que je subissais pour la troisième fois le raout des gens de bien de cette auguste maison (groupe tentaculaire serait peut-être mieux venu), réunis dans le magnifique hôtel particulier de la Maison de l'Amérique Latine, autour de petits fours, de conférences payées en ménages et de consignes infantilisantes de la Kommandante en chef Bignon, aujourd'hui, donc, j'ai été récompensée de tant d'efforts de public relations. Car l'invité du jour, ce n'était pas ce cuistre de Gilles Martin-Chauffier - personnage vain s'il en est, dont la conversation éphémère n'est même pas plaisante, ni même Serge Raffy, dont les titres de noblesse m'échappent, sinon qu'il est celui qui aura dit à la France entière que le père de Jospin était collabo, et que le gendre de Michel Noir était un débauché (and so what????). Non, le vrai invité, c'était Patrick Rambaud.
Et là, claque dans la gueule, grand éclat de rire, envie immédiate de lire un orateur si brillant, et si humain. Il ne ressemble à rien, le gars Rambaud : quand je l'ai recroisé, ensuite, dans l'escalier, j'ai peiné à le reconnaître dans sa veste si verte et si élimée qu'on aurait pu croire que son vieil ami Fasquelle ne lui avait pas donné sa dot depuis bien longtemps. Petit, malingre, malin et l'oeil vif pourtant, et surtout la langue acérée, j'ai vibré de ses paroles.
Puisse Arnaud Noury en prendre de la graine.
Alors j'attends avec impatience le jour où le parrain te chargera de lire un livre de Rambaud, le I, le II, ou le III.

A toi pour toujours,

Valentine

PS : fais-moi penser la prochaine fois de te parler de la manière dont les gens biens de chez Lattès se fourvoient. Autrement dit, de comment l'expression "la littérature, c'est d'abord du plaisir du lecture" doit se décrypter comme suit : "on vend de la merde, on le sait, mais ça rapporte".

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